L'histoire :
Nous sommes le 28 mai 1944. La ville d’Aldbourne, en Angleterre, est en effervescence. Le jour J approche et les hommes de la base militaire noyautant la ville le savent. Chacun ressent et prépare l’événement à sa manière. Le jeune Lewis Brandt est hébergé par un couple d’habitants du bourg. Avant d’être bientôt parachuté au dessus de la Normandie, il écrit une dernière fois à sa mère son angoisse de se retrouver face à un ennemi qu’il connaît bien. La discipline allemande – qu’il appréhende de par ses origines – l’effraie. Ce jour, la soupe passe mal (…). De l’autre côté de la Manche, le seconde classe Jürgen Stütz, soldat du Reich, est lui aussi hébergé chez l’habitant – dans une ferme près de Sainte-Marie-du-Mont – mais au titre d’occupant. Dans la lettre qu’il écrit lui à sa mère, Jürgen se montre confiant dans la capacité de l’Allemagne à vaincre au final. Certes, les bombardements croissants annoncent un débarquement allié imminent, mais les travaux de défense réalisés ici, en Normandie, et plus encore dans le Nord-Pas-de-Calais, permettront à l’occupant de tenir. Toute tentative de débarquement sera repoussée, du moins le croit-il. Dans la nuit du 5 au 6 juin, pourtant, Lewis est parachuté au-dessus de la campagne normande avec pour objectif de préparer le passage du gros des troupes débarquant sur la plage d’Utah Beach. Réveillé en plein sommeil, Jürgen, de son côté, doit rallier la kommandantur au plus vite afin d’organiser une résistance allemande prise de cours…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La bande dessinée aime l’Histoire et l’Histoire aime se traduire en bandes dessinées. La manière est cependant inégale. Selon les époques, les auteurs, les éditeurs, etc. les récits historiques illustrés présentent des visages très divers et, par conséquence, un intérêt récréatif très inégal. La clé d’une réussite grand public réside souvent dans l’art de marier fiction et Histoire. Mais là où Murena ou Le Casque d’Agris pour exemples – dans un registre comparable – séduisent leurs lecteurs, d’autres titres peinent à convaincre. L’important est d’éviter l’écueil du trop « expositif », du récit ressemblant à un cours, documenté et rigoureux mais distancié et froid. Normandie juin 44 n’y parvient qu’à moitié. Jean-Blaise Djian choisit intelligemment de faire vivre le débarquement allié autour Utah Beach et Carentan (désigné militairement comme le secteur 2) au travers des regards opposés de deux soldats : un parachutiste britannique (d’origine germanique) et un occupant allemand hébergé chez l’habitant. Un récit en première ligne ! Les lettres adressées à leur mère respective ouvrent et concluent habillement l’intrigue. Néanmoins, le corps de l’album ne s’attache pas suffisamment à ses personnages, se perdant un peu dans des dialogues « plaqués » retranscrivant les détails de l’opération (tels qu’on pourrait les lire dans un livre d’Histoire). L’effort de mise en scène – d’habillage fictionnel, en somme – n’est pas abouti. D’une lecture facile mais trop peu passionnée, Utah Beach satisfera les vrais amateurs d’un moment rentré à jamais dans l’Histoire, ainsi qu’un plus large public (encore novice en bande dessinée). Le dossier ajouté permettra même d’aller plus avant. Rien d’exceptionnel côté dessin, sinon qu’Alain Paillou, au crayon, et Catherine Moreau, aux couleurs, livrent des planches d’une tonalité réaliste et moderne. Sans grand relief ni déshonneur. Un tome deux de cinq (rapport aux autres secteurs), à suivre.