L'histoire :
Daniel est fan de modélisme. En attendant les réponses au concours de la poste, il passe la majeure partie de son temps à tester et perfectionner son modèle réduit d'avion. Depuis la fenêtre mansardée de son petit appartement, il lance des décollages qui génèrent parfois des accidents en chaîne dans le voisinage. Dans le vieil immeuble, la vie quotidienne suit son cours, avec sa concierge aimable et curieuse, et le voisin qui râle au moindre bruit. Chaque jour, Daniel participe à une distribution de prospectus, qui se termine systématiquement en retrouvailles autour d'un coup à boire et d'un barbecue improvisé dans un terrain vague de la ville. L'occasion de partager son infortune de demandeur d'emploi avec ses amis, et de partir dans une improbable virée un peu arrosée dans les poubelles à roulette de la ville. Au retour d'un week-end à la campagne chez ses parents, il capte le regard d'une très jolie voisine à sa fenêtre et va réaliser pour elle des prouesses aériennes avec son avion radiocommandé. Très réservé, le jeune homme va progressivement se découvrir un pouvoir de séduction. D'autant que sur le palier du dernier étage, sa voisine cherche elle aussi à l'attirer. Et puis un jour, la nouvelle tant attendue arrive : Daniel a réussi le concours, il est postier...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La vie de Daniel le futur postier suit dans cet album un cours léger et somme toute banal, émaillé d'anecdotes et de petites expériences. Il faut au lecteur quelques dizaines de pages de ce gros volume, qui en compte 240, pour comprendre que c'est dans une chronique sociale douce et humaine que les auteurs souhaitent a priori l'emmener. Les premières images de la petite ville aux décors gentiment bucoliques et aux dessins simplistes ne plantent pas réellement le décor. Il faut pour cela attendre l'arrivée d'une bande de personnages secondaires qui jouent un rôle important. Alors, on comprend à travers quelques scènes en famille ou lors d'un voyage en train, que Pascal Rabaté souhaite avant tout donner à voir des personnages de tous les jours, et dénicher dans cette banalité les sources d'une émotion directe et sans artifice. Mais elle ne survient que dans la poésie des pleines pages que le dessinateur Bibeur Lu utilise pour séparer les chapitres du récit. Des illustrations décalées et aériennes, qui laissent deviner une forme de romantisme du quotidien que Rabaté a probablement voulu instiller dans son récit. Malheureusement, on traverse les péripéties de Daniel et de ses amis avec une relative distance, pas réellement transportés par les visages trop simples et caricaturaux des protagonistes, par ailleurs trop fluctuants d'une page à l'autre. Et surtout, la seconde partie de l'album qui décrit la vie de Daniel autour de son bureau de poste, est étonnamment empreinte de clichés sur les pauvres gens qui viennent chercher leur pension. Une forme de cynisme envers les gens simples qui surprend de la part de l'auteur de récits beaucoup plus subtils. Rabaté semble ici ne vouloir racheter personne d'autre que son personnage principal. Quant à l'humour qui émaille le récit, il n'est pas suffisamment provocateur pour éventuellement convaincre que cette vision négative est délibérée et maîtrisée. Un drôle d'album, donc, dont le fond du propos laisse perplexe, et dont la mise en scène peu cohérente ne captive pas. Certainement pas le meilleur moyen de découvrir le travail de Rabaté...