L'histoire :
Gusman, écuyer de Done Elvire, et Sganarelle, valet de Dom Juan, sont en grande conversation. Gusman s’étonne en effet du comportement de ce dernier qui, après avoir séduit et enlevé sa maitresse du couvent pour l’épouser, a pris le large sans plus d’explications. Sganarelle se montre peu rassurant sur les intentions de son maître qu’il décrit comme un être sans morale, « épouseur à toutes mains », « libertin » ne craignant « ni Ciel, ni loup-garou » : la belle Evire n’est qu’une étape dans la frénésie de conquêtes de ce séducteur né… Lorsque Dom Juan fait son entrée, Gusman se retire et laisse à Sganarelle le soin d’accabler de reproches son maître en prenant évidemment gare à ne point le courroucer : un zest d’hypocrisie est du meilleur effet. Loin de s’offusquer de son discours, le maître saisit l’occasion pour faire part à son valet de sa philosophie en la matière : point d’amour unique, pour ne pas manquer de rester sensible à tous les charmes… D’ailleurs débarrassé d’Elvire, le voici libre d’entreprendre un nouveau défi : enlever sous le nez de son fiancé, lors d’une promenade en mer, une innocente et attirante proie. Ni Sganarelle, ni la colère d’Elvire qui vient de le retrouver, ne risquent de modifier quoi que ce soit… A moins que le Ciel, que Dom Juan défie perpétuellement, ne décide d’entrer dans la partie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nul besoin de tenter de vous convaincre de la qualité de ce récit. Inutile de démonter la mécanique pour vous montrer les rouages si bien huilés par un génie de la comédie. Tout commentaire semblerait, en effet, bien pâle au regard du talent du Sieur Poquelin alias Molière. Dom Juan fait, en outre, partie de ces œuvres intemporelles plébiscitées par les profs de français et à ce titre, largement lues, étudiées, disséquées pour peu qu’on ait usé quelques jeans au collège et au lycée… On taira donc la puissance comique de la pièce, son subtil jeu avec la gamme des émotions (étonnement, peur, insolence…) ou cette manière si particulière qu’avait Molière de titiller ses contemporains. L’adaptation de l’œuvre au 9e art est quant à elle un net cran en dessous et livrée ainsi, on s’en demande même l’intérêt. En ces temps où moult projets d’adaptation d’œuvres littéraires fleurissent avec succès et légitimité (cf. la collection Ex Libris de Delcourt), ce Dom Juan fait grise mine. Certes le choix éditorial est clair : la collection Commedia veut être le moyen de vulgariser le théâtre en proposant à l’adresse du plus grand nombre des grands textes. Le livret à la virgule prés (il est même reproduit une seconde fois à la fin de la BD, dans une version classique…), le format poche et le prix, en témoignent largement. Mais sans effort (un trait rond « gros nez » minimaliste en noir et blanc) de faire revivre l’œuvre ou de la revisiter au moyen de pinceaux et crayons, on peut se demander si le texte ne se suffit pas à lui-même. Pourquoi passer par la BD ? C’est bien sous-estimer le potentiel de Dom Juam, qui est peut être le récit le plus vivant de Molière en ce qu’il ne propose pas d’unité de lieu, de temps, d’action et – cerise sur le gâteau – une pointe de fantastique. En bref, tout pour faire une super BD…