L'histoire :
08h09… Fatigués, enfouis sous une couette bien chaude, loin des tracas quotidiens : boulot, argent, gamins… à des milliers de kilomètres du traversin. Dimanche matin, inconscients sous les draps : Papa, Maman sont si biens. Les petits pas de Mélissa derrière la porte, ses appels insistants, brisent le doux moment : pénibles les enfants, le dimanche matin. Et pourtant… 12h00 et quelques. Supermarché bondé. Pour que le passage en caisse ne devienne pas l’ultime parcours du combattant, une organisation millimétrée s’impose : madame commande, monsieur range. Tomates en dernier, lait, eau, au fond en premier. Triage au cordeau et puis faire attention aux œufs. Tout est impeccable, seul le sourire de la caissière est absent. Ce serait, pour elle, tellement facile de rendre la corvée agréable aux clients. Et pourtant… Après midi. Derrière son clavier, il lui dit qu’il est là, qu’elle peut conter sur lui à chaque instant. Derrière son clavier, elle s’excuse pour ne lui faire partager que ses moments de doute, ses cafards, sa solitude. Mais ne sont-ils pas là pour toujours se soutenir et se donner chauds, même par l’intermédiaire d’un clavier ? Et pourtant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Encrages en noir et blanc portant une infinie sensibilité ; cadrages lents pour asseoir la force des silences ; justesse des mouvements, en particulier ceux du visage ; économie de mots… Grand bien nous fasse : pour ce nouvel opus, Christophe Chabouté « chaboute » avec cette maestria unique, qui fait de son travail graphique un moment de lecture à part. Un de ces instants qu’on repousse jusqu’à ne plus tenir, pour être certain de s’en délecter le plus longtemps… Plutôt habitué à suivre sous sa plume de longs récits (ses derniers Tout seul et Terra Neuvas, par exemple), on se surprend à découvrir avec ces Fables amères, 11 histoires courtes liées par l’envie de l’auteur de décentrer nos égos. Aussi, avec ce savoir-faire pétri d’humanité, il pose sa loupe sur des bouts d’existence au moment précis où ceux-ci percutent un petit rien : grasse matinée, zèle administratif, couleur de la lampe de chevet, rangement du caddy… deviennent les œillères qui contraignent à porter les yeux vers son nombril, en un total oubli des autres. Chaque chute de récit permet de remettre les choses en place en laissant, à la fois, observateurs et/ou certains protagonistes amères, face aux situations et forcés de constater qu’avec un pas grand-chose, plutôt que l’amertume c’est le sucre qui aurait empli leurs joues. Chacune de ses rencontres est décrite avec simplicité, sans effet de manche et sans volonté de donner des leçons : uniquement proches de nos quotidiens et suffisamment silencieuses pour nous laisser la place de faire nos propres constats. Un beau moment.