L'histoire :
Novembre 1921. La presse française se fait l’écho d’un procès sordide : Henri Désiré Landru est accusé d’avoir assassiné 10 femmes dans la villa l’Ermitage de Gambais, les dépeçant et les brûlant dans sa chaudière avant de les dépouiller de leurs biens. Tout l’incrimine, notamment un carnet intime sur lequel le « monstre » a consigné le moindre de ses achats (des scies, des billets de train A/R pour lui et aller simple pour ses « victimes »…). Pourtant l’homme qui nie en bloc, mourra exécuté sans avoir avoué un seul crime. Retour en arrière. Ce macabre fait divers prend racine durant la première guerre mondiale. Sur le front, les poilus vivent l’enfer : ils ont le choix de mourir sous les obus ennemis ou fusillés pour désertion. L’un d’entre eux, Paul, survit miraculeusement après avoir pris un éclat d’obus en plein visage. Blessé, défiguré, il trouve la force d’accrocher sa plaque militaire au cou d’un compagnon macchabée, et de fuir la barbarie, se faisant passer pour mort. A bout de souffle, il trouve refuge chez un ami médecin. Quelques temps plus tard, la compagne de Paul, Hélène, se rend à rendez-vous galant parisien, après avoir répondu à une petite annonce. Se présente un homme affable, dégarni sur le dessus mais porteur d’une barbichette noire. Il avoue sa grande timidité, et emmène la jeune femme dans une villa de campagne, à Gambais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout le monde connaît ce fait divers, l’un des plus retentissants du XXe siècle. Pourtant « l’affaire Landru » demeure un mystère, tant le personnage a pu conserver une ligne de défense inébranlable lors de son procès. Ouverte au sein du tribunal, l’intrigue de Christophe Chabouté fait alors un flashback, reprenant à partir de la guerre des tranchées. On suit alors tout d’abord l’horreur muette, saisissante de réalisme dans son rendu, puis l’habile désertion d’un poilu blessé. Mais bon sang, quel lien la destinée de ce Paul peut-elle avoir avec Landru ? Comment Christophe Chabouté va-t-il rattacher l’affaire Landru à partir d’une « gueule cassée » en fuite ? Chabouté revisite la version officielle, lui donnant une toute autre explication, à la fois audacieuse et saisissante de pragmatisme. Recommandé par Historia, cet album en one-shot n’en est donc pas moins qu’une interprétation imaginée, et de manière fort adroite ! Après tout, l’Histoire ne retient que ce qu’on écrit d’elle. Graphiquement, le travail de Chabouté touche une nouvelle fois au grand art. Son encrage, uniquement en noir et blanc très contrasté, est une nouvelle preuve du talent du bonhomme (il est l’auteur de Purgatoire, la Bête, ou encore Pleine lune, multi récompensé, notamment à Angoulême 2002…). Des cadrages parfaitement équilibrés, un style irréprochable, des cases qui restent gravés dans les mémoires… la grande classe !