L'histoire :
Au début du XXe siècle, Monsieur Hartmann, représentant d’une grosse société anglaise, propose à un groupe folklorique néo-zélandais de venir faire des exhibitions de leurs célèbres hakas – danses traditionnelles – à Londres. Sans le sou, la communauté des Maoris se lance dans l’aventure, parfois à regret. Notamment, Nyree, une petite fille, n’accepte pas d’être séparée 6 mois de ses parents, sous la garde de ses grands-parents. Elle s’enfuie et grimpe à bord du paquebot, en passagère clandestine. Elle est rapidement trouvée par le cuisinier, qui en informe aussitôt Hartmann. Ce dernier est plutôt amusé, d’autant plus que la présence d’une fillette dans la troupe est de bon augure pour son spectacle. Il attend donc que le bateau ait pris le large pour remettre Nyree à ses parents. Ces derniers n’ont alors pas d’autre choix que de l’inclure dans le spectacle et Nyree se met à répéter en leur compagnie. Arrivés à Londres, les Maoris prennent possession de leurs quartiers (les chambres sont tristes et toutes petites !) et se prêtent aux premières démonstrations de leurs danses. Très impressionnants, les hakas remportent un véritable succès, aussi fulgurant… qu’éphémère. Pour rentabiliser le voyage et pouvoir payer les maoris, Hartmann n’a d’autre choix que de leur imposer un séjour au jardin d’acclimatation de Paris, où ils doivent se prêter, en journée, à des exhibitions pour le moins caricaturales, en tenues folkloriques, ponctuées d’hakas à heures fixes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome avait le double mérite de nous faire découvrir quelques aspects de la méconnue civilisation maori (et pour cause, on ne peut plus distante de la notre) et de nous présenter des personnages attachants. Plus grave, sans être non plus tragique, cette suite se concentre alors logiquement sur les comportements colonialistes des européens. Le titre annonce d’ailleurs la couleur : Nyree et sa communauté Maori se retrouvent transformés en monstres de foire, exhibés dans un zoo à côté des singes et des girafes. Le plus intéressant dans le scénario d’Olivier Jouvray et de Virginie Ollagnier, est le cheminement progressif et insidieux par le biais duquel se révèle l’idéologie colonialiste. Selon un certain point de vue, la frontière est fine entre un spectacle de danses folkloriques et l’exhibition avilissante d’êtres humains rabaissés au rang d’animaux. Evidemment, nos héros répugnent à être ainsi exploités (avec des lions en carton-pâte dans le décor !) et se trouvent, selon les caractères, tiraillés entre leur dignité et leurs besoins. Le dessin et la colorisation d’Efa demeurent d’une grande lisibilité, tout à fait dans le ton de la narration : à la fois sobre, concis et détaillé. Par le biais de cette série, les auteurs focalisent sur des mentalités aujourd’hui toujours persistantes et plus globalement, sur l’odieuse exploitation des faiblesses de l’autre. Sans en faire de trop, sans recours spectaculaires déplacés, avec une justesse poignante, cette histoire perce notre carapace occidentale et donne à réfléchir…