L'histoire :
Le tremblement de terre de San Francisco a jeté dehors des milliers de familles, dont celle de la petite Jenny dont la mère a perdu la vie. Son beau-père veut la renvoyer chez ses grands-parents à Chicago. Pour cela, il profite d'une faiblesse du règlement des postes américaines qui viennent d'autoriser les colis volumineux que les facteurs peuvent transporter pour un coût relativement modeste, sans interdire le transport d'enfants ! C'est ainsi qu'Enyeto, un agent des postes d'origine indienne, se voit confier un colis vivant à emmener à Chicago, à l'autre bout des Etats-Unis. Le périple commence à dos de cheval. Enyeto est un grand gaillard impressionnant qui va savoir se montrer à la fois autoritaire et prévenant envers la gamine. Il faut dire qu'ils ont tous les deux un passé commun de douleurs. Ils vont apprendre assez vite à se connaître. Enyeto compte sur un autre agent pour prendre le relais à Oakland, après la traversée de la baie en bateau, mais les choses ne se passent pas comme prévu. Il va devoir poursuivre sa mission. Le parcours sera semé d'embuches, le facteur indien sera soupçonné des pires choses, tandis que Jenny s'attache de plus en plus à cet adulte gentil et fort à la fois.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bertrand Galic et Roger Vidal changent complètement de registre dans cette nouvelle collaboration. Après Fukushima au cœur de la centrale accidentée, c'est une grande balade à travers les Etats-Unis du début du siècle dernier qui nous est proposée ici. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, l'histoire des facteurs qui se voient confier des enfants s'est réellement produite à cette période. Ce qui pourrait passer pour un ressort improbable n'a donc pas été inventé par le scénariste. Le ton général est celui d'un road movie plein de sentiments forts et de valeurs positives. Enyeto symbolise bien des choses de cette époque difficile : il est victime du racisme des blancs qui se moquent de lui, mais à qui il se retient de casser la gueule, pour protéger la petite Jenny. On traverse également de beaux paysages américains, parfois sous les étoiles lorsque les deux personnages dorment en chemin, des gares magnifiques, noires de monde dans un pays en plein développement économique. Le récit pourrait connaître une suite tant la relation entre les deux héros est devenue forte, et grâce aux surprises que nous réserve la fin de cet album. Les rebondissements sont nombreux tout au long du parcours d'ailleurs entrecoupés de moments de rêverie poétique ou de souvenirs proches entre Enyeto et Jenny. Le ton est résolument grand public, le dessin de Vidal s'inspire du manga dans le visage aux grands yeux de son héroïne. Un joli récit réalisé avec talent sur une petite centaine de pages, largement de quoi se plonger dans une autre époque et d'autres paysages.