L'histoire :
1917, la guerre de tranchée entre la France et l’Allemagne s’enlise dans une boucherie innommable. A peine à l’abri au fond de leurs fosses boueuses, redoutant à chaque instant une nouvelle pluie de bombes, les poilus endurent des conditions de vie extrêmes. Pour échapper aux éclats de l’une d’entre elles, le lieutenant Sauveur Albertini se réfugie en hâte dans un abri de fortune. Là, il surprend une scène surprenante. Au sol, un soldat français est mort, une pointe de baïonnette fichée dans le poitrail. Autour de lui, quelques hommes impassibles, apparemment tous complices de l’assassinat qui vient juste d’avoir lieu. Sauveur se présente alors au plus haut gradé. Il appartient à la police militaire et il veut connaître le nom du meurtrier. Ce n’est pas parce qu’une guerre fait des milliers de morts à chaque seconde que l’on peut tuer impunément un camarade. Il avertit aussitôt sa hiérarchie par téléphone et demande à chacun des soldats de se présenter. Tout en s’exécutant, les poilus revendiquent une forme d’omerta solidaire : selon eux, la victime était un salopard que nul ne regrettera…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eric Adam, jusqu’alors scénariste sur quelques classiques tels que Rantanplan ou le Marsupilami, est surtout directeur éditorial chez Vents d’Ouest. Profitant de cette position privilégiée pour s’autoéditer, il s’associe ici à Virginie Cady (Janus, Arkeod, chez feu Nucléa²) pour livrer le premier tome d’un diptyque assez puissant. En plein cœur de la guerre de tranchée, tuer ou être tué n’est qu’une formalité, dédouanée de tout scrupule. Il parait alors totalement paradoxal de faire une enquête sur un meurtre de plus, quand bien même il s’agit de celui d’un compagnon. C’est pourtant à cette humanité là que se raccroche le héros, le bien nommé « Sauveur »… sauveur des fondements de nos démocraties. Le sens qu’il accorde à la boucherie atroce et absurde de la guerre (et il est bien le seul), ce sont ses convictions patriotiques, son code de l’honneur. Sur une première moitié d’album, on a donc droit à un début d’enquête en huis clos, ponctué par les bombardements ennemis dans un climat de stress intégral. Les auteurs ont alors la bonne idée de prendre un virage à 180°, en propulsant le héros vertueux dans la peau d’un meurtrier. Qui est-il alors pour juger de la responsabilité d’un « simple » mort de plus ? Quel sens donner à tout cela ? A travers ce premier tome, les auteurs abordent progressivement et subtilement l’absurdité de la guerre, en évitant l’écueil du manichéisme. Au dessin et à la couleur, Christophe Marchetti prouve ici dès son premier album, une grande maîtrise graphique. Son dessin sobre, moderne et dynamique est parfaitement adapté à ce récit grave et saisissant. Un bel ouvrage, une réussite…
