L'histoire :
Tandis que le soleil se couche sur un désert d’Orient aux accents rouge et or, une caravane chemine tranquillement vers la ville. Construite à la faveur d’un replat sur un escarpement, elle semble dominer de son minaret un paysage nu et balayé par les vents. En son palais, le sultan jubile : il tient enfin devant lui, enfermé dans une cage, le fameux baron Hieronymus Karl Friedrich Von Münchausen (!) sur le compte duquel circule les rumeurs les plus folles. Si ce dernier accepte de lui conter ses fantasques aventures, il épargnera sa vie. Ainsi, le baron commence-t-il son récit extraordinaire, bravant une nouvelle fois la mort et le courroux de son curieux geôlier. L’aventure débuta il y a presque un an de cela, au large des côtes ottomanes, lorsque après avoir reçu la visite d’une allégorie mortuaire, son vaisseau fut attaqué par des pirates. Luttant et tranchant les têtes pour la très sainte Russie de la Grande Catherine, le baron ne s’en laisse pas compter. Survient alors un colosse menaçant l’infidèle. La vie du fantasque noble risque fort d’être écourtée, quand soudain l’adversaire fuit terrorisé. Non, par la stature frêle du baron mais à la vue d’un monstre de plus de cent pieds de haut surgi des flots. Ce qui s’appelle tomber de charybde en sylla…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Trois ans que l’on attendait cela. Trois ans que l’on souhaitait retrouver le trait magique qui obtint à Angoulême la consécration suprême (prix du meilleur dessin) en 2003. Depuis Le dérisoire (avec Omond), Olivier Supiot continuait les frasques de Marie Frisson (avec Baptizat) mais il manquait une série qui rende grâce à son génie. Avec les Aventures oubliées du baron de Münchausen, les éditions Vents d’Ouest réparent l’injustice, offrant un format de prestige à un triptyque qui n’augure pas moins. Les Orientales nous éblouissent dès les premières pages feuilletées : de pleines planches somptueuses où l’adresse du crayonné (qui n’a rien à envier à celui d’un Bézian, c’est dire…) le dispute à la beauté des tons peints nous invitant au voyage. Un voyage pour le plaisir des yeux et nos esprits fatigués, sur les traces du baron au nom à coucher dehors, qui ravit les cours européennes au XVIIIe siècle. A l’époque, l’empire ottoman à son apogée faisait rêvé : les Mille et une nuit, Shérazade et la figure du conquérant Saladin le Magnifique… La menace arabe écartée, une fascination pour sa culture et sa grande sagesse pouvait naître. Le monde est alors encore vaste et méconnu (comme l’a prouvé la découverte des Amériques) et point encore complètement désenchanté. Le temps des expéditions scientifiques est arrivé et néanmoins, en contrepoint, on est friand d’odyssées fantastiques emplies de créatures extraordinaires. Ils aident à s’évader d’une réalité souvent ennuyeuse, toujours difficile. Le récit d’Olivier Supiot (cette fois auteur complet) s’inscrit dans cette même veine. Malgré un découpage qui manque peut-être parfois d’audace et une narration très classique, ce mystérieux baron trompe-la-mort réussit son pari : nous divertir. Notre soif de poésie ranimée attendra fiévreusement la suite de ses aventures imaginaires : « la vérité ne peut être contenu dans un seul rêve » (proverbe arabe fermant l’album, pl. 46).
