L'histoire :
En raison d’un caractère récalcitrant à l’autorité hiérarchique, Kazimir Doen, ancien flic, s’est mis à son compte en tant que détective spécialisé dans le milieu de l’art. Au quotidien, ce détective solitaire broie du noir, et laisse errer son spleen dans un bistrot parisien d’habitués. Aujourd’hui, le centre Pompidou le missionne pour retrouver et négocier trois tableaux appelés « la trilogie des carrés », disparus durant la seconde guerre mondiale. Peints par Boskovitch, fondateur du mouvement suprématiste, ces toiles représentent simplement 3 carrés : un noir, un rouge et un blanc. Rapidement, grâce à un pote bouquiniste des bords de Seine, Kazimir a une piste pour la toile du carré noir. Il s’envole pour la république Centrafricaine, pour y interroger Karl Silberbauer, un ancien officier nazi « expatrié » depuis 1945. Ce dernier a en effet été en possession des tableaux durant la guerre, à l’époque où il a envoyé l’artiste pourrir dans un camp. Là-bas, il apprend également d’un inspecteur local, que le vieux nazi est le meilleur ami de Laurent Mulélé, ancien dignitaire tortionnaire des régimes dictatoriaux successifs, aujourd’hui exilé… à Paris. De retour en France, Kazimir parle par hasard de son enquête à un habitué du bistrot, Jean-Claude, un éboueur d’origine africaine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la grande famille des détectives privés, voici (bis repetita) un spécialiste du marché de l’art. Si le synopsis des Carrés parait en effet évoluer dans le même registre que L’agence (chez Casterman), ce premier tome n’est en rien comparable avec cette série, tant l’ambiance et le déroulé des aventures de Kazimir s’en éloignent radicalement. Ici, les investigations de cet énième sosie de papier de Jean Reno, sont réalistes, crédibles et franchement palpitantes. Avec brio, Eric Adam réussit à combiner les aspects historiques, les appuis de proximité et des retentissements cosmopolites, tout en trouvant un final au moins rassérénant, à défaut d’être tout à fait moral. Résultat logique : ce premier thriller s’engloutit comme du p’tit lait, en sus de nous présenter un héros très attachant. Le dessin est assuré par Olivier Martin, qui nous avait déjà fait vivre des enquêtes d’un autre genre, autour de la faune légendaire de Crypto. Le dessinateur livre une partition réaliste impeccable et difficile, car ne se prêtant guère à des contingences très spectaculaires. La bonne nouvelle, c’est qu’au terme de cette mise en bouche, seul un carré a été retrouvé (le noir) : les deux autres feront chacun l’objet d’un épisode (le rouge-vin en Californie et le blanc-neige en Russie), pour former une trilogie prometteuse. L’autre bonne nouvelle, c’est qu’au regard de cette enquête huilée avec maestria, on se lèche les babines à l’idée du Sherlock T2 à venir, scénarisé par le même sieur Adam…