L'histoire :
Croquignol, Filochard et Ribouldingue, trois petits filous, à la fois escrocs, hâbleurs et indolents, sortent de taule. La société a décidé de leur octroyer une seconde chance. Bien décidés à ne pas retomber dans leurs travers et autres combines, ils souhaitent désormais mener une vie normale pour ne pas retourner en cabane. Une agence d’intérim leur trouve des jobs, payés au SMIC, qui ne demandent aucune qualification : Ribouldingue devient technicien propreté en hôtellerie, Filochard revêt l’uniforme d’agent de sécurité, Croquignol entre dans la peau d’un opérateur de call center. Mais cette voie vers la rédemption se termine sur une impasse. Aucun d’entre eux ne se plaît dans cette nouvelle vie. Ils décident alors de reprendre le chemin des anarques. Leur plan : s’inviter au Fortune people summit, une soirée de riches et de pipoles qui se tapent dans le dos en buvant du champagne à la santé des affamés et les dépouiller de leurs biens…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Créés par Luis Forton en 1908, repris par René Pellos en 1948, les Pieds Nickelés renaissent de leurs cendres sous la houlette de Philippe Riche. En effet, par le truchement de la libération de la propriété intellectuelle (Forton étant mort en 1934), la série vintage semble attirer bien des convoitises : désormais dans le domaine public, la série émblématique est au cœur d’une bataille juridique entre Glénat et Delcourt, qui en tirent chacun de nouvelles aventures. N’empêche que sur le fond, ce genre de revival est toujours un peu « casse-gueule ». Force est de constater qu’ici, l’auteur du diptyque L’association des cas particuliers s’en tire très bien et nous livre un album intéressant à plus d’un titre. Premièrement, il donne un sacré coup de jeune en transposant des héros légendaires dans le XXIème siècle. Les dialogues sont percutants, oscillant entre modernisme « Kestudi, j’fais un bizeness de ouf, rien à foutre des charclos » et expressions populaires surannées « on est sapés comme des cloches », « on baratinne tout le monde et on se tire avec l’oseille ». Les personnages secondaires sont des caricatures grinçantes de personnages existants (Anne-Marie de Banville ressemble à s’y méprendre à Lilianne Bettancourt) avec des présentations hilarantes (Big up pour A-Tomic Loïc, la star du rap identitaire breton, député européeen sous l’étiquette Chasse, pêche et tuning). Deuxièmement, le dessin rivalise d’astuces : schéma pour expliquer les plans de nos trois compères, découpage vif et inspiré avec des cases panoramiques, des personnages croqués admirablement… Bref, une BD poilante et délirante du début à la fin, qui est bien plus qu’un bel hommage. C’est plutôt une relecture intelligente qui a le mérite de revisiter sans nostalgie un mythe du 9ème Art.