L'histoire :
A Cambremer, petit bourgade du Calvados, dans les années 50, Fernand et Gérard sont deux jumeaux fréquentant les bancs de la même école. Si physiquement ils se ressemblent trait pour trait, en revanche leurs caractères sont bien distincts. S’appuyant sur son assurance innée, Fernand est un vrai petit roublard, tandis que Gérard souffre d’un défaut d’élocution : il bégaie. Or, une nouvelle science médicale, appelée orthophonie, commençant à être reconnue, sa mère emmène ce dernier consulter et travailler sa diction une fois par semaine, à Caen, chez un spécialiste. Dans ce contexte, une nouvelle famille vient s’installer. Le père, maçon de profession, est courtisé de près par le maire actuel, qui voit en lui une occasion en or de s’attirer les voix des ouvriers lors des prochaines élections. Cependant, la fille Edith s’intègre plus difficilement à l’école. Solitaire la plupart du temps, elle sait pourtant jouer de son regard, qui agace où fait tourner les cœurs… D’ailleurs, Gérard a le coup de foudre le jour où Edith se met à chanter une chanson en public lors d’un banquet sur la place du village. Handicapé par son bégaiement, il se doute qu’il ne sert à rien de tenter sa chance. Il a alors une idée pour le moins douteuse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les yeux d’Edith inaugurent une nouvelle collection chez Vent d’Ouest, destinée à accueillir des récits qui fleurent bon la campagne française des années 50. Pour situer l’ambiance, disons que c’est un peu celle du film Le grand chemin, mais version BD. Prévu pour couvrir 2 tomes, le récit expose idéalement ce décorum, grâce notamment à un joli travail graphique signé Nicolas Ryser (Hariti). Avec une belle maîtrise artistique, le dessinateur joue avec la précision et l’épaisseur de ses traits selon la focale et le cœur de son sujet, et gère admirablement bien la colorisation contrastée, parfois comme gouachée sur les décors. A la fois harmonieux et équilibré, ce principe visuel est vraiment adapté au contexte. Sur ce canevas, le scénario de Jean-Blaise Djian se laisse suivre avec plaisir, même si le schéma global de ce premier tome est un peu téléphoné. Le principe de l’inversion des jumeaux parait en effet à la fois cliché et moyennement crédible à ce niveau… Néanmoins, le scénariste met parallèlement en place un second fil narratif (la facette politique du village) et toute une clique de personnages subtils et attachants. De quoi nous appâter pour le « tragique » dénouement à venir (pas de spoiler : il introduit le diptyque !). Douce France, lalala…
