L'histoire :
Des mouettes volent à l’arrière d’un bateau de pêche. A bord d’un chalutier, deux marins se dirigent vers un phare de haute mer. Ils accostent et l’un d’eux décharge plusieurs cartons auprès des marches. L’autre le harangue alors, lui demandant de les déposer fissa. En repartant, il lui explique alors sa réaction agressive. Dans le phare, vit un homme, seul, âgé d’une cinquantaine d’années. Du fait de ses malformations congénitales, il n’a jamais quitté cet endroit et il est toujours resté discret. Les gens du coin le surnomment « Tout Seul ». Avant de mourir, son père a fait le nécessaire, confiant de l’argent au pêcheur afin qu’il lui dépose des caisses de ravitaillement toutes les semaines. L’autre pêcheur ne pipe mot, mais s’interroge sur ce que peut bien faire un tel homme de ces journées. Or l’imaginaire occupe une grande partie des journées de « Tout seul ». Il adore chercher des mots au hasard dans le dictionnaire et extrapoler leurs significations. Pourtant, un jour, alors qu’il vient prendre les cartons déposés par les marins, il découvre une lettre avec un mot, lui demandant ce qui lui ferait plaisir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A chaque rentrée, nous découvrons avec plaisir le dernier livre de Christophe Chabouté. En plus d’une qualité visuelle affolante (toujours en noir et blanc) et de titres de qualité, l’artiste nous prend toujours à contrepied en explorant un thème inattendu. Après l’adaptation d’une nouvelle de Jack London (Construire un feu), d’un fait divers revisité (Henri désiré Landru), il nous propose à présent la chronique d’un exilé. L’auteur nous offre en fait un roman graphique de 376 pages, nous narrant l’histoire d’un homme né et vivant reclus depuis 50 ans dans un phare situé en haute mer. De fait, une véritable rumeur s’est créée sur le continent : personne ne l’a jamais vu, et tous s’imaginent en frissonnant l’allure que doit prendre cet être victime de malformations… Cette histoire prend immédiatement aux tripes. La narration est maligne et bénéficie d’un travail d’ambiance hors du commun. Les trouvailles sont nombreuses, notamment en ce qui concerne la gestion de l’imagination de celui qu’on appelle Tout Seul, au travers des mots qu’il découvre dans le dictionnaire. La formule aurait ainsi pu s’étaler sur encore plus de pages. Malgré son épaisseur, le livre intrigue, passionne même, tellement, qu’on a parfois l’impression d’être aux côtés de cet homme. Ses encrages en noir et blanc, un style qui lui est propre, sont toujours irréprochables de spontanéité maîtrisée. L’autre surprise pour cette cuvée 2008, est aussi le format du bouquin, plus petit, plus volumineux… mais aussi plus cher. Tout seul s’impose donc comme l’un des meilleurs titres de Chabouté (jusqu’au suivant). Une lecture hors du temps où l’émotion vous saisit pour ne vous relâcher qu’une fois le livre terminé. Indispensable.