L'histoire :
Grenade, 1936. La nuit est tombée depuis quelques heures, mais les parents du petit Alfonso l'ont réveillé. C'est la guerre civile et nul n'est plus à l'abri des représailles. Tomas, père d'une famille respectable, de celles qui ont toujours méprisé les rouges, prend pourtant la décision de quitter sa ville natale pour se rendre en Castilla y Leon. Il est sait que dans les jours à venir, Grenade ne sera plus qu'un grand théâtre d'épuration. A bord de sa voiture, privilège de la haute société, il embarque femme et enfant et passe au bras le brassard de la Phalange, emblème des forces franquistes qui quadrillent la région. Il est porteur de laissez-passer signés de la main-même du Commandant Valdès. Sur la route, il croise une patrouille de Phalangistes, qui le contrôlent. Des hommes descendent du camion et l'accostent. Ils sont fiers de la cargaison qu'ils transportent, un homme qui fuyait à travers champs et qu'ils ont abattu. « Ce sont des animaux nuisibles. L'Espagne doit s'en débarrasser ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Certains livres cumulent bien des qualités. Ils touchent le lecteur en racontant l'histoire d'un illustre personnage, mais aussi celle de son pays, de ses mœurs, du contexte politique contemporain à sa vie ou à sa mort. Carlos Hernandez et El Torres nous embarquent ainsi Sur les traces de Garcia Lorca, de manière aussi surprenante qu'intelligente. Ici, il ne sera pas question de biographie. Non, ce que lecteur découvrira, c'est une dizaine de chapitres éclatés dans le temps. L'autre caractéristique du récit écrit par El Torres, que les amateurs de comics connaissent par ailleurs pour ses productions plutôt âpres, c'est la brièveté des scénettes qui s'enchaînent. En 6 ou 10 pages, elles défilent et concentrent toute l'intensité d'une narration tantôt douce, à l'instar la personnalité du poète, tantôt aussi violente que sa mort et la Guerre civile qui a ravagé l'Espagne. L'ensemble ne donne pourtant jamais l'impression d'être éclaté. Au contraire, il s'en dégage une grande force, un sentiment d'intimité qui se noue avec Garcia Lorca et sa clique, les Dali et Bunuel qui finiront par le haïr, ainsi qu'avec l'Espagne, celle de Franco et celle qui s'en est libérée. Le dessin, d'une grande élégance, de Carlos Hernandez, avec les teintes sépia qu'il a choisies, charme l’œil sans qu'on puisse quitter le bouquin avant de l'avoir reposé, empli du sentiment d'avoir joui d'un privilège, celui d'avoir côtoyé l'exquis poète. Une réussite totale, un livre émouvant, beau dans son écriture, dans son esthétique, d'une facture aussi pure que rare. Le genre de bouquin qu'on se réjouit de posséder et dont on ne saurait se départir. Une lecture précieuse.
