L'histoire :
Dans un hôpital public, le personnel grouille de partout pour soigner le patient du mieux possible. C'est en tout cas ce qu'on pourrait croire, car depuis plus d'une quinzaine d'années, les établissements de santé subissent des réformes visant à inciter ses personnels à faire plus vite et moins cher, au détriment de la qualité du service et des malades. Lorsque les employés arrivent à saturation, un Comité Technique d'Etablissement est organisé avec le personnel hospitalier, des représentants syndicaux et les responsables de l'hôpital. De ces débats naissent peu d'avancées. Finalement, cela revient souvent à aider un service au détriment d'un autre. Infirmier, agent de nettoyage, médecin anesthésiste, infirmière en rééducation chirurgicale ou même conseillère conjugale expriment les incohérences d'un système en pleine déliquescence...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Vide Cocagne poursuivent leur collection d'ouvrages décortiquant notre société. Cette fois, c'est l'hôpital public qui se retrouve au cœur d'une BD-reportage. Des artistes du 9ème art mettent ainsi en scène des entretiens réalisés avec divers métiers prenant part à la vie d'un établissement de santé. Dès les premières pages, l'accent est mis sur un monde dévoué aux malades mais qui, par le truchement du libéralisme, se trouve obligé de réaliser des concessions en nombre, au détriment de l'humain. Les témoignages sont en ce sens extrêmement enrichissants. Le rendement et l'efficacité doivent être optimisées, or avec une baisse des effectifs et de véritables incohérences de gestion, les personnels se retrouvent usés. L'album insiste parfaitement sur le critère économique à travers les déclarations d'un infirmier, d'un médecin ou même d'un syndicaliste un brin dépité. Par exemple, au même titre que quelques autres activités professionnelles publiques, le corps médical n'a pas le droit de faire grève ou bien alors, de manière silencieuse et en continuant à travailler. On peut notamment découvrir qu'un anesthésiste peut être payé le double de son salaire en travaillant deux fois moins en passant à un statut de clinicien hospitalier. Une incohérence provoquée par des gestionnaires en quête d'économie de fonctionnement... Il y a aussi le rapport d'un agent d'entretien qui évoque certaines indications de son supérieur insistant sur la rapidité et la partialité du nettoyage au détriment de l'efficacité. Et que dire des fameuses IDE (les infirmières diplômés d'Etat) qui se débattent entre le sous-effectif, des horaires de travail toujours plus extensibles, mais qui doivent être toujours plus courageuses pour se confronter aux patients comme à leur famille. Tous ces témoignages sont évidemment instructifs et se montrent sans concession. Ils parviennent à mieux saisir les difficultés d'un milieu qui vit en autarcie dans un édifice de béton. Les dessins sont typiques du registre de la BD reportage, un style épuré mais bigrement efficace dans le registre. Présentant des facettes différentes, mais qui se réunissent autour d'un constat aussi cinglant qu'effrayant, Hôpital Public ne rassure pas quant à la direction souhaitée par des politiciens déconnectés de la réalité du terrain. Ils devraient se pencher sur cet ouvrage pour mieux comprendre un système au bord de l'explosion. « Un hôpital devrait toujours être pensé autour de ce qui fait le cœur de nos métiers : l'humain ».