L'histoire :
Depuis leur dernière aventure, Les Pieds Nickelés ne se sentent plus en sécurité dans leur quartier : la « rousse » les a à l’œil et attend le moindre faux pas pour leur mettre le grappin dessus. Aussi, nos 3 amis n’ont-ils qu’une idée : gagner au plus tôt un autre nid douillet. Et bientôt la belle occase se manifeste sous les traits d’un autobus qui ne demande pas mieux que de devenir leur complice d’évasion. Cachés sous les banquettes, les trois loustics attendent l’opportunité de filer en douce au premier arrêt. Le véhicule s’arrête bientôt, mais pas question de descendre, car des militaires ouvrent la porte arrière pour charger une énorme cargaison de sacs. Ils attendront donc. Au petit matin, l’autobus s’arrête enfin. Mais nos compères ne sont pas au bout de leur surprise, car pour avoir changé de quartier, ils vont effectivement goûter au dépaysement : la guerre entre la France et l’Allemagne vient d’être déclarée et les trois escrocs se retrouvent en plein sur le front des hostilités. Pas question pour autant de déprimer. Au contraire, le trio est français avant tout et taper sur les « Boches » leur convient parfaitement. Ils n’hésitent donc pas une seconde et contractent un engagement pour la durée de la guerre. Une heure plus tard, ils ont endossé un bel uniforme et sont parés pour préparer quelques jolis tours de cochons à l’ennemi.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a René Pellos et les rééditions tout azimuts des péripéties qu’il a imaginées, pour nous fidéliser au plus sympathique trio de filous de la bande dessinée. Il y a l’exploitation – souvent heureuse – de leurs « nouvelles » aventures par une toute fraîche génération d’auteurs. Mais il ne faut pas oublier que derrière Les Pieds Nickelés se cache Louis Forton, l’un des pionniers de la BD française, qui dès 1908 donnait vie à cette inénarrable bande d’escrocs. Pour ceux qui n’auraient pas encore goûté au met originel (et pour les dingos du trio), les éditions Vuibert proposent de le faire en prenant le chemin des tranchées. Publiées initialement dans L’Épatant en 1915, les quelques 70 pages proposées nous présentent Croquignol, Ribouldingue et Filochard sous un jour un peu singulier. Leur sens de l’escroquerie et leur science de la débrouillardise se mettent en effet sans hésitation au service d’un patriotisme effréné – Grande Guerre oblige. Terminé l’antimilitarisme, fini le comportement asocial à tendance anarchiste… Les Pieds Nickelés se taillent, à coup de baïonnettes et de plans plus invraisemblables les uns que les autres, un véritable petit costard de héros. On l’aura compris en ces temps dramatiques, il n’était pas question de mettre en berne le moral des troupes, mais plutôt de gonfler d’espoir tout un chacun et en bonus faire rire, évidemment. Pour participer à l’effort de propagande, nos amis n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Camouflages divers et variés, déguisement, aspirateur géant, dirigeables, clous, grillages, foin, évasion… Tout y passe pour qu’à chaque fois, « le boche » soit le dindon de la farce (voire même renvoyé ad patres) et que Les Pieds Nickelés capturent plusieurs régiments, piquent drapeau, fusils ou canons. Au point d’ailleurs de s’en lasser et de décider, en fin d’album, de changer de crèmerie… Quoi qu’on en pense, il faut saluer l’incroyable richesse du texte (sans phylactères et calé sous les bandes de dessins), certainement jamais égalée et y voir une inépuisable source d’inspiration dans la manière de faire pour les éventuels repreneurs. Il faut également souligner l’impeccable effort de l’éditeur qui, pour emballer le bonbon, propose outre l’excellente préface de Jean Tulard, des planches au format augmenté et une version colorisée, pour une lisibilité accrue.
