L'histoire :
Deux amis, Joseph et Henri, sillonnent la mer à bord d’un voilier baptisé le Joshua. Ils causent peu, apprécient la quiétude de l’océan, loin de tous les comportements grégaires décevants. Ils ont mis le cap sur une petite île inoccupée, où ils espèrent se poser quelques jours. Ils y débarquent deux jours plus tard et entreprennent son exploration. Ils construisent une cabane, font un feu et repèrent de gros oiseaux à chasser. L’un d’eux mord Henri à la main… ce qui ne l’empêche pas de finir rôti à la broche. Joseph et Henri s’endorment repus sous leur abri. Mais lorsqu’Henri se réveille, il est à bord du Joshua, avec une barbe de plusieurs jours. Il est seul, la voile est déchirée, il ne peut plus se diriger. Il a visiblement des pellicules photos à développer, mais ne se souvient de rien. Il tente des messages de détresse par ondes radio et survit quelques jours en mangeant les boîtes de conserve. Finalement, il aperçoit une côte et un port, au moment où des pêcheurs répondent enfin à ses SOS. Ces derniers viennent l’aider et le remorquent jusqu’au port. Henri est reconnaissant, jusqu’à l’exaltation. Il rejoint le troquet du patelin, Chez Tino, et offre sa tournée, heureux comme jamais de retrouver des semblables…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En couverture, derrière un gréement en gros plan, le joli lavis en teintes de gris de Patrice Réglat-Vizzavona fait initialement penser à une aventure maritime façon Emmanuel Lepage. Les observateurs attentifs auront cependant distingué l’étrange créature insectoïde en filigrane qui occupe le centre de la page… Et peut-être auront-ils alors fait un subtil rapprochement entre le titre et la baseline du chef d’œuvre ciné Alien : Le huitième passager. Il faut dire qu’à l’origine de cette histoire, l’auteur s’est fortement intéressé au parasitisme animal et à ses conséquences sur le comportement de leurs hôtes involontaires. Arrêtons là avant de trop spoiler. L’auteur nous embarque dès les premières planches énigmatiques dans une histoire non-identifiée. Qui sont ces jeunes ? Quel destin de baroudeurs solitaires suivent-ils ? Sans y répondre, un jeune homme déboule dans un village portuaire en ayant visiblement oublié ses semaines précédentes. Son comportement bipolaire et sociable jusqu’à l’exaltation pathétique nous installe un temps à la barre d’une chronique sur les troubles de la personnalité. Son grain de folie inquiète d’autant plus qu’on ne sait pas sur quel terrain l’auteur nous emmène. Son exaltation en amitié et en amour dissimulerait-il un tempérament psychopathe ? Il faut reconnaître que cet aspect intrigant fait vite tourner les pages d’un album avare en dialogues, qui se dévoile à travers de grandes cases contemplatives et une forte pagination (154 pages !). De quoi apprécier le registre graphique de Réglat-Vizzavona, tout en lavis réalistes, et une exquise gestion de la lumière et des clairs-obscurs. Lorsque le caractère horrifique se dévoile, c’est tout aussi réussi et cela convaincra un tout autre public que celui des embruns romantiques de Lepage.