L'histoire :
La Somme, quelque part dans une tranchée. Werner a bien conscience d'être de la chair à canon, comme ses camarades allemands. Mais il n'a pas peur. Il fait son devoir de soldat pour l'Allemagne. De toute façon, il n'a pas le choix. Alors il peste. Contre les huiles qui conservent le cul bien au chaud, pendant que lui et ceux de sa division sont au front. Mais il n'aura plus le loisir de maudire ceux qui l'ont amené là : un avion ennemi survole la tranchée et mitraille à tout va. Fin du voyage pour Werner. Au pays, il laisse une veuve éplorée et deux gosses, ignorant que le cadet est en train de mourir de la grippe espagnole. Alors, Hans, pour épauler sa mère et survivre à la détresse, s'invente une glorieuse fin pour son père. Aux yeux de tous les autres, il était un as du manche à balai. Et en digne fils, Hans se jure de devenir pilote de chasse. Quelques années plus tard, c'est pour le IIIème Reich qu'il volera...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce n'est pas tous les jours qu'un éditeur ose un pari un peu fou : proposer deux séries jumelles qui offrent les points vue différents de belligérants ennemis mais... des points de vue convergents ! Adler, l'aigle à deux têtes et Eagle, l'aigle à deux têtes proposent en effet de retracer le parcours de vie de deux enfants qui vont devenir pilotes de chasse durant la Seconde Guerre mondiale. Pour le moment, Adler, c'est l'histoire d'un enfant allemand qui va choisir le mensonge pour pouvoir s'en sortir. Au lieu d'admettre la condition de troufion de son père, il va clamer haut et fort qu'il était un pilote de chasse, un héros. Patrice Buendia signe un scénario intéressant, qui met en valeur la psychologie de ce garçon prêt à tout pour accomplir son rêve, y compris céder à la monstruosité Nazie. De pauvre orphelin, Hans va grandir dans le mensonge et finir par devenir un homme haineux. Certes, le môme, puis le jeune adulte, et enfin le pilote, jouissent d'une forte personnalité ; mais le personnage tord le ventre du lecteur au fur et à mesure qu'il assiste à sa construction. Notons aussi la dernière scène de ce volume, dont le mystère aiguillonne la curiosité quant aux suites possibles. Quant à Damien Andrieu, il s'en tire plutôt bien, avec un graphisme classique mais harmonieux, qu'il complète par de belles couleurs dont il s'est chargées. Un bon volume et une série qui laisse augurer d'une belle originalité.