L'histoire :
Amy vit seule dans une banlieue ordinaire des Etats-Unis, avec son petit chat. Entre coups de téléphones à son meilleur ami et zapping devant la télé, elle se noie dans une torpeur quotidienne. Sans véritable famille ni copain, indifférente au monde qui l’entoure, Amy s’ennuie dans cette vie sans horizon et cette ville sans histoire. Seule véritable distraction le soir venu, l’émission qui met en scène Mister Dangerous, objet de toutes les discussions de comptoirs le lendemain. Amy semble folle, lunatique, presque misanthrope ; ou est-elle tout simplement en quête de sens ? Elle tente pourtant de sortir avec des gars de son âge, beaux et disponibles, mais à chaque fois, le sentiment d’insatisfaction la gagne. Seule sa mère, un peu paumée, passive et agressive aussi, s’occupe d’elle. Un peu fauchée aussi, sa mère lui a offert un t-shirt rose très laid pour ses 26 ans. Bref, entre un job qu’elle déteste et une misère affective qu’elle entretient, il ne reste plus à Amy qu’à rêver un peu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’auteur américain Paul Hornschemeier revient avec son nouveau roman graphique, un livre teinté de mélancolie et de désenchantement, dans la veine des maîtres de l’underground, Daniel Clowes ou Chris Ware. A travers le destin sans illusion d’Amy, l’auteur tente d’ausculter les névroses de l’Amérique en campant son anti-héroïne dans un décor fantomatique, vidé de toute substance, Amy étant elle aussi vidée de tout affect. Le livre de Hornschemeier ressemble avant tout à une BD d’ambiance, tour à tour mélancolique ou poétique, drôle ou cruelle, louvoyant entre désolation et tentation de l’espoir. On sent aussi l’auteur attaché à ce personnage désœuvré à la fois unique et universel ; mais c’est évidemment un attachement teinté d’une ironie féroce. Dans un décorum de clichés en carton-pâte, Amy semble alors figée dans l’absence de désir. L’auteur pose aussi la question de l’insondable solitude des êtres pris au piège de l’incommunicabilité, dans des sociétés aseptisées flirtant avec l'inertie. A ce stade-là, impossible d’éviter les comparaisons avec Dan Clowes ou Chris Ware, les références du genre. Et il faut bien l’avouer, l’auteur peine à atteindre la maîtrise narrative du premier ou la virtuosité graphique du second. Là où ces auteurs réussissent à transformer la torpeur mortifère en véritable catharsis poétique, drôle ou profonde, Hornschemeier échoue à dépasser l’horizon d’une existence superficielle, nous laissant penser qu’il n’a peut-être pas encore su digéré suffisamment l’influence de Dan Clowes, écrasante ici. Reste tout de même une très belle ligne claire aux couleurs délicieusement surannées, mêlée à un propos qui marie les contraires entre humour cruel et évasion onirique, tout en laissant peu de place à l’espoir…Malgré un sentiment de déjà-vu, la vie douce-amère avec M. Dangerous reste une lecture touchante. Pas mal finalement.