L'histoire :
Aux pieds des falaises, les vagues incessantes viennent se briser sur la plage côtière. Alex y admire un temps la maîtrise impressionnante de Steve, un surfer quadragénaire aux cheveux longs. Une poignée de mains et la discussion s’amorce. Sujet aux étourdissements, cela fait maintenant deux semaines qu’Alex s’est égaré. Parti campé avant la rentrée scolaire, il souhaitait profiter d’un endroit magnifique sans équivalent sur Terre. Mais un soir revenu à son campement, sa voiture avait disparu. La fatigue, une hallucination ? Après une bonne nuit de sommeil, il lui fallu se rendre à l’évidence : nulles traces dans l’herbe du véhicule. Contraint de marcher, sac sur le dos, le randonneur continua son périple plusieurs jours durant, le moral décroissant. Perdu, un espoir naquît à un carrefour : un panneau giratoire lui indiquait le chemin. « Strangehaven, 8 miles ». Un goût de déjà vu vint à Alex. Ce panneau est celui qui le guida à son arrivée. La route, celle qu’il suivit avant son accident. D’autant qu’emboutie dans un platane sur le côté l’attendait sa « Triumph » disparue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Différent. S’il on devait caractériser Strangehaven du reste de la production BD, le qualificatif adéquat serait sans nul doute « différent ». Différent, car en dépit des similitudes inhérentes à toute création, Confrérie confirme la démarcation qui transparaissait déjà d’Arcadia : sur cet havre étrange, chacun y pose un regard différent. A travers Alex, on perçoit un microcosme clos où les personnages découvrent peu à peu leur tangible épaisseur. Cette aventure humaine se vit à la limite du fantastique, qui jamais ne se laisse pleinement saisir. Gary Spencer Millidge suggère plus qu’il n’impose. Il offre des pistes, non des réponses. L’anglo-saxon détient le talent de faire durer, de révéler passionnément le mystère. En clair, à la lecture de ce nouveau volume, on se croirait dans Lost (série américaine où les rescapés d’un crash aérien tentent de survivre sur une île menaçante) cherchant le pourquoi, tâtonnant aux frontières du réel. Que l’on souhaite ou non partir, à l’image d’Alex, on ne le peut. On y est, prisonniers d’un monde fantasmé qu’on essaie de comprendre tout en s’y faisant une place. Le dessin demeure inchangé, difficile diront certains, calqué d’après photos et précisément, c’est peut-être cela qui nous y implique tant. De surcroît, la narration agréable réserve quelques digressions succulentes, parfois farfelues mais jamais ridicules, détaillant les grandes énigmes de l’univers (qui suis-je ? Roswell, Noël…). Notez qu’en introduction figure un résumé (« previously on… » v.o. à la télé) afin se (re-)mettre dans le bain. Cette fois, vous n’aurez aucune excuse : lisez Strangehaven et pénétrez une ambiance unique, si personnelle qu’elle deviendra vôtre.