L'histoire :
Jonathan lit des comics depuis toujours. Tout du moins, d’aussi longtemps qu’il s’en souvienne, depuis qu’il sait lire, depuis qu’il a ouvert un exemplaire et s’est délecté des images. Depuis lors, il n’y a pas un moment, pas un endroit où il ne dévore les aventures de ses héros préférés faisant fi du monde qui l’entoure. Alors que les autres enfants de son âge jouent au ballon, lui lit dans l’espoir de déchiffrer le code secret qui fait le super héros. Peut-être en est-il un lui aussi ? Mais il ne court pas aussi vite qu’un train, la piqûre d’une araignée ne l’a point transformé et le chauve en fauteuil roulant croisé l’autre jour dans la rue ne possède aucun pouvoir télépathique, ni ne dirige d’école pour surdoués. Pourtant les supers héros existent, il en est sûr. Invité à l’anniversaire d’une copine qu’il trouve d’emblée spéciale, il lui offre le costume de l’Amazone puis, grimé en Apollon, il saute du toit du pavillon pour… s’étaler sur le sol. Il aurait pu y rester. Sa mère docteur décide alors de le sevrer jusqu’à son entrée au lycée. Des années plus tard, Apollon alias Jonathan, retrouve l’Amazone, alias Julie, et découvre avec elle le secret de ses parents…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avoir la foi ne s’explique pas. C’est en substance ce qu’explique en préface Mark Sable pour l’édition européenne de Grounded (explicité « Tombé du nid »). L’auteur, coutumier de différents supports médiatiques (TV, théâtre, BD) espère que les lecteurs francophones éprouveront la même émotion à la lecture, que leurs homologues anglo-saxons. Problème : si Américains et Britanniques baignent dans la sauce comics depuis leur naissance, il n’en va pas de même chez nous. Résultat : de nombreux néophytes risquent de passer à côté de cet album par manque de références. Bâti comme une apologie critique du « super-univers », Grounded se veut une parabole du passage de l’enfance à l’âge adulte, une métaphore de l’adolescence en somme. C’est l’âge crucial de la construction de la personnalité, l’âge des choix. Pourquoi existe-t-il des supers héros sinon pour nous aider à choisir la bonne voie ? Jonathan comprendra progressivement quel sens donner à sa seule condition humaine. Car les supers héros entretiennent un rapport direct au sacré, eux qui, dotés de pouvoirs inhumains, s’approchent le plus des dieux. Croire en soi, croire aux autres. Bref, l’histoire mouvementée est complexe, alterne les flashbacks (judicieusement identifiés par un visuel rétro), les faux et vrais semblants entre fiction et réalité. L’intrigue exige donc du lecteur une attention soutenue et une connaissance rompue des comics. Côté dessin, Paul Azaceta (secondé aux couleurs par Nick Filardi) livre un travail épuré, excessivement stylé, à la recherche d’une quintessence difficile. Le résultat est singulier, parfois génial dans ses cadrages, parfois maladroit et trop rapide dans le découpage. Un titre qui fascinera les initiés mais restera sans doute une énigme pour la majorité.