L'histoire :
Sur le plateau d'un talk-show, l'animatrice vedette, Miss Summer, accueille un scientifique. L'invention du Dr Bertrand Earnest pourrait bien changer le sort de toute l'humanité. Il a mis au point l'intrin-net, il s'agit de pouvoir utiliser un flux d'information qui donne à chaque utilisateur la possibilité d'accéder à un esprit collectif supérieur. Il s'agit de pouvoir se connecter à distance à un serveur central, qui est lui même connecté à des milliers, voire des millions d'autres personnes. Toutes les données pourraient alors être échangées, brassées et intégrées par chaque individu, dans une sorte de peer-to-peer mental. Le processus n'est pas visuel. Il ressemble plus aux mécanismes naturels de la pensée. Il induit un tout nouveau sens, une manière inédite de percevoir la réalité. Pour pouvoir se connecter au réseau et intégrer le flux, une nano-puce doit être implantée dans le cortex cérébral de l'utilisateur... La communication interpersonnelle en serait bouleversée : finis les téléphones, e-mails, barrières de langage...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Joshua Cotter est un artiste indépendant, qui fait son bonhomme de chemin parmi les auteurs de comic books aux univers décalés. Après le touchant Les gratte-ciels du Midwest, [Deplasma] (phonétique de Déplacement), propose un récit exigeant et copieux (240 pages). L'auteur brouille d'abord les pistes, avec un premier chapitre très intriguant, qui scinde et éclate un discours étrange, proche d'un flot de réflexions qui échappe pour partie au lecteur. Mais en réalité, les inventions qui tiennent de l'anticipation, cet intrin-net qui préfigure une technologie permettant la télépathie, sont un excellent prétexte à fouiller les relations humaines. On suit en effet le sort de Melody McCabe, doctoresse qui a accepté une mission dans une station spatiale. La distance se creuse dans son couple et même si son intégration dans son nouveau lieu de vie n'est pas facilitée par la rigidité des rapports qui régissent les membres du staff scientifique, on découvre peu à peu une personnalité aussi fine qu’attachante. La majeure partie du récit se déroule donc à huis clos, installant un faux rythme et un sentiment assez oppressant. La narration est particulièrement habile, avec des chapitres qui brisent la continuité du récit et constituent d'étranges digressions. Enfin, avec sa fin assez inattendue, l'auteur ouvre aussi une réflexion sur la question des chercheurs fous, ce qui promet pour le prochain volume, la série étant prévue en 3. Ce drôle de voyage est potentialisé par les très beaux dessins. Un ouvrage épais, exigeant et finalement assez décontenançant.