L'histoire :
Pendant la Belle Epoque à Paris, Gertrude et Léo Stein tiennent un salon, une sorte de société secrète réservée aux initiés, auquel participent des artistes en devenir. Y siègent le fantasque et grossier Pablo Picasso, le cubiste et ermite George Braque, le poète libertin Guillaume Apollinaire ou encore Eric Satie, compositeur friand d’expérimentations musicales. Pendant ce temps, une série de meurtres étranges terrorise les quartiers de Paris, d’autant plus que le procédé interpelle : une tueuse à la peau bleue arrache la tête de ses victimes. Au salon, on pense qu’il vaut mieux prévenir que mourir, raison pour laquelle les artistes décident de se substituer aux policiers pour mener l’enquête et retrouver la sorcière bleue... Et si cette série d’assassinats avait un lien quelconque avec le mystérieux nectar avalé par chacun des convives au cours des soirées ? Absinthe, absinthe, ouvre-nous les portes de l’Art et dis-nous quel est le plus grand artiste de ce début de siècle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Peu connu du public français, Nick Bertozzi est auteur de BD et illustrateur publicitaire aux Etats-Unis. Dans Le Salon, il clame son amour de la peinture en général, rend hommage à certains artistes et revisite un moment fondateur de l’histoire de l’art : la naissance du cubisme. En 150 pages et avec un sujet pareil, la BD aurait pu se révéler lourdingue ou sans intérêt. Mais c’était sans compter sur l’angle narratif choisi par l’auteur, original et surprenant. Mêlant les univers – fantastique, thriller, polar – et les tonalités – onirique, poétique, épopée historique – le récit offre le spectacle d’un voyage rocambolesque qui lorgne vers le trip fantasmagorique sous absinthe. Pour créer cette ambiance à la fois étrange et loufoque, l’auteur modifie les couleurs (souvent vives, sauvages et expressives) en fonction des lieux et des personnages, ou aère son trait (voir les scènes de rêve ou de bad-trip). Ainsi, le très drôle Picasso, Braque, Gauguin et les autres pénètrent-ils les tableaux, les transforment et les animent pour mieux leur donner vie et corps. Malgré quelques passages un peu confus, Bertozzi en profite aussi pour aborder des thématiques intéressantes : la douleur du travail de création, l’inspiration qui se tarit et pose cette question : faut-il souffrir pour produire des chefs d’œuvre ? On ressort de cette lecture content et agréablement surpris. Une fantaisie tragi-comique plaisante, au final.