L'histoire :
Marie Lowitt a été élevée dans une famille anglaise catholique, avec un enseignement religieux. La devise « Aime ton prochain », elle l'interprète librement, à sa façon, qui consiste aussi à l'appliquer au pied de la lettre. Ce matin, après une nuit agitée partagée avec Colin, elle se lève avant lui. Elle va partir. Le garçon lui demande s'ils se reverront bientôt ? Elle lui dit que oui, d'un sourire éclatant. Marie est une fille spéciale. Elle aime apprendre. Elle aime comprendre. Elle aime aimer. En faisant l'Amour. Au bahut, ça cause à son sujet et elle se rapproche de William, qui est un peu la tête de turc de sa classe. Il lui demande si elle a couché avec Colin et quand il se rend compte que cette fille est open, il se déshabille et s'exhibe en sous-vêtements féminins. Alors qu'il a peur de la dégoûter, elle lui répond qu'au contraire, il est beau et qu'il doit être heureux comme il l'entend. Une seconde, William hésite et se demande si elle ne se fiche pas de lui. Mais celle d'après, il a compris que Marie est spontanée, et qu'elle donne de l'Amour comme elle respire. Elle descend et s'agenouille à hauteur du bassin du jeune homme en porte-jarretelles et lui demande s'il a envie. Oui...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jade Sarson est une auteure britannique qui, à l'instar du personnage de sa première BD, a connu les joies d'un enseignement catholique. Elle le dit dans son mot de remerciements, ce fut la pire période de sa vie, mais cela lui a permis de construire sa personnalité. Elle tenait avec ce constat le fil conducteur de ce bouquin, nominé et primé outre-Manche. Alors, durant 230 pages, c'est toute la vie de Marie qui défile, avec quelques ellipses. Les thèmes abordés sont profondément humains : l'adolescence, la complexité des relations parents/enfant, leur capacité à étouffer ce dernier jusqu'à lui dire les pires atrocités. Et dans ce livre, le mythe de l'amour parental inconditionnel en prend un sacré coup, même si sa force est de démontrer qu'un enfant, par opposition à ses parents, peut précisément choisir d'aimer de façon inconditionnelle. La clé qui ne se dit pas de ce bouquin se situe sûrement ici. Ce roman graphique aborde également les tragédies qu'on vit tous : la perte et le deuil. Qu'on quitte ou soit quitté(e) ou quand la vie arrache l'être aimé. La sexualité est omniprésente, mais Marie n'est pas une épicurienne boulimique de sexe ; quand elle s'attache, le plaisir sexuel lui est tout naturel. La question de l'orientation sexuelle et des préjugés sectaires qui en résultent est aussi finement traitée, avec un tour de force puisqu'un personnage central, William, est une caricature à laquelle on s'attache : un boxeur qui se travestit et aime les hommes ! Enfin, la question générationnelle est aussi présente, puisqu'après « Marie, la fille », on la voit devenir mère et se débattre aussi avec ce qu'elle doit dire, ou pas, à sa fille, ce qu'elle produit auprès d'elle... Côté graphismes, on note immédiatement les influences japonaises du trait et de la mise en page, qui se dispense de cases franchement démarquées. Les couleurs sont douces et se déclinent de façon monochromatique : le jaune, le rose, le rouge. La sobriété du visuel est de mise, ce qui est de bon aloi car elle fait contrepoids à l’excentricité de cette Marie, quelques fois agaçante mais souvent touchante. Alors Pour l'amour de Dieu, Marie, c'est une invitation à un drôle de voyage intime. On est parfois décontenancé, se demandant où l'auteur veut nous emmener, et d'autres fois bouleversé par des scènes poignantes. Parfois on se dit même que Jade Sarson en fait trop, mais on referme ce bouquin en se disant qu'il est aussi un témoignage d'amour, qui fait tout simplement du bien. Alors on vous prie d'y porter l'intérêt qu'il mérite !