L'histoire :
Invisiblor, Captain Force, Americaman, Sky Devil, l’Homme Volant ou Orifist sont des super-héros sur le déclin au cœur de l’Amérique des suburbs. Pire, ils ont des tronches de loser qui tuent, et l’ennui rôde au coin de la rue dans leur banlieue sans âme et sans vie. Super-héros à la retraite, fatigués et désabusés, ils cherchent à réaliser le super-exploit une dernière fois, mais s’enlisent en fait plus que jamais dans le cynisme et la veulerie. Ici, une petite combine de gamin, là une petite blague potache et méchante à l’endroit des faibles. Non, y’a pas à dire, super-héros reste un boulot sympa, ça laisse pas mal de temps libre. Rachel, Don Sequitur ou encore Béatrice ont fini par ne plus croire aux récits fantastiques de super-héros. Redevenus bien trop humains, ils ressemblent désormais à de simples avatars déçus et frustrés, mous et apathiques, au regard vide et à la conversation banale, qui n’ont plus que leur costume défraichi pour offrir un semblant de réalité à leur existence morne…Mais pour réenchanter le monde ou juguler la tristesse ambiante , il est toujours possible de créer ses propres dialogues en fin d’ouvrage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ok, la couverture de Sérum de vérité est plutôt moche et ratée. Mais vous auriez toutefois tort de passer à côté de ce recueil de strips à l’humour noir corrosif, sorte de critique cynique et désenchantée de l'American Dream, auscultant les névroses de l’Amérique d’aujourd’hui. Car Jon Adams, dans la veine de l’auteur underground Ivan Brunetti, en moins trash mais tout aussi violent, réussit en 3 ou 6 cases à nous faire marrer avec ce qu’il y a de plus déprimant dans l’existence : l’ennui, l’isolement, l’absence de désir. Pour outils : un décorum minimaliste (un mur de brique, un vieil arbre, une pelouse séchée…), des super-héros en crise et un humour noir d’une violence glaciale qui suscite presque à chaque fois l’hilarité nerveuse. Niveau couleur, normal, c’est souvent terne, comme pour mieux jeter la grisaille sur cette réalité dure mais drôle. Une réalité faite de chômage, d’oisiveté et de désœuvrement. Là où Adams réussit son coup, c’est en parodiant et déconstruisant les icônes traditionnelles des comics, pour en faire ici des êtres humains déprimés et dépressifs, vieillots et pathétiques, lâches et vicieux, glissant lentement sur la pente du trépas. Au final, on regrettera seulement certains strips, plus gentillets ou moins percutants. L’ensemble demeure néanmoins d’excellente facture. Une question subsiste : si nos super-héros, symboles fatigués et usés d’une modernité étouffante disparaissent, que reste-t-il pour enchanter notre monde ? Pas grand-chose, hélas. En attendant, une plaisante tranche de vie en forme de piqûre de rappel à la réalité, aussi glauque soit-elle, et un sérum de vérité souvent drôle qui pourrait bien vous immuniser contre l'illusion.