L'histoire :
En 1967, le jeune Danny aide son père dans son activité professionnelle de pêche en haute mer, au large de l’Ecosse, le temps d’un dernier été avant la reprise de ses études à l’université. Avec les marins du bord, ce jeune passionné de photographie découvre l’ambiance un peu « rustique ». Car les superstitions sont farouches dans ce milieu. Pour conjurer la pénurie de harengs, il faut notamment chasser les sorcières du petit chalutier, le Silver Darling, en inspectant les cales avec des torches. De même, il ne faut jamais faire monter de femme à bord, ne pas prendre la mer avant midi le dimanche, proscrire la couleur verte… Mais le plus grand de tous les dangers consiste à emporter à bord un couteau à manche blanc. Ah ah ! Danny est bien décidé à prouver à son père que toutes ces superstitions sont des balivernes. Il cache donc un petit couteau à manche blanc dans sa poche et projette de le dévoiler au moment précis où les filets remonteront garnis d'une pêche prolifique. Puis il embarque avec le reste de l’équipage pour une campagne de pêche. Hélas, les premiers jours, la pénurie est sévère. Danny commence à se poser des questions concernant la présence de son couteau…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’anglais Will Morris (qui n’a rien à voir avec le dessinateur de Lucky Luke) débarque d’entrée de jeu dans le paysage bédéphile en tant qu’auteur complet, montrant déjà une belle maturité narrative et graphique. Avec ce one-shot édité en France par Cambourakis, il dévoile en effet une histoire simple et sensible, un récit de transmission, de passerelle générationnelle. Ici, un jeune homme narrateur relate une triviale anecdote estivale : comment, un été, il a effectué un remplacement sur un chalutier et percé les arcanes de mentalités un poil archaïques et des préoccupations paternelles. Ne vous attendez pas à des naufrages, des mutineries ou des climax de suspense, Silver Darling est plus une chronique sociale qu’un récit de genre. Le pire moment de tension dérive juste des mauvaises pêches. La véritable intention cerne avec une émotion toute en retenue le moment précis de la vie d’un jeune homme où il se met à « comprendre » son père, à partager avec lui des valeurs qui lui semblaient a priori obsolètes. Ce déclic est la plus-value de l’album – et par extension l’un des trésors d’une vie. Morris réussit à cerner ce propos délicat et qui pourtant « ne paye pas de mine », en dévoilant un lavis noir-blanc-gris qui a de la gueule. La précision des masses et des cadrages, le rythme du découpage nous invitent à accorder la plus grande attention à ce jeune britannique très prometteur…