L'histoire :
Dans un mystérieux pays du Moyen-Orient, la sécheresse met à mal les terres et fait souffrir les habitants. Certains parents ne peuvent plus subvenir aux besoins de leur famille et sont obligés de marier leurs filles afin de toucher une dote. C'est le cas de Dodola, une jeune enfant, qui épouse un scribe. Celui-ci est beaucoup plus vieux qu'elle. Il lui enseigne la lecture et l'écriture, mais aussi les écrits du Coran. Mais une nuit, l'homme est assassiné et la petite fille conduite sur un marché aux esclaves. Elle est attachée par les cheveux à deux autres gamines. Dodola prend dans ses bras un bébé qui pleure. L'enfant est un petit garçon à la peau noire et la fillette le nomme Zam. Plus tard, un acheteur repère les gamines. Les esclavagistes détachent les liens des cheveux. Dodola en profite pour s'enfuir avec Zam. Tous deux trouvent refuge au milieu du désert, dans un bateau coincé entre deux dunes. Pour survivre, la petite fille guette les caravanes au loin. Elle fera tout pour nourrir le seul être qui a de la valeur à ses yeux : Zam...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Six années auront été nécessaires à Craig Thompson pour venir à bout d'Habibi. L'auteur du monumental Blankets s'est ici penché sur un récit teinté d'Islam en toile de fond. A sa tête, Dodola, une jeune femme, a appris la lecture et l'écriture, ainsi que les passages fondateurs du Coran. Son mariage forcé n'est qu'une première étape dans une vie jonchée d'épreuves, régie par la lubricité et la violence. L'autre protagoniste est Zam, un jeune garçon élevé par Dodola, lui aussi confronté à la misère. Thompson alterne les souvenirs et les événements présents, avec une douceur étonnante. L'auteur enrichit son récit d'extraits du Coran et met en avant les similitudes troublantes entre les religions monothéistes, au travers de sublimes calligraphies. Thompson multiplie les thématiques dans cet album : l'esclavagisme, la sécheresse, les harems, la pollution, le sexe... Malgré son épaisseur (plus de 670 pages !), Habibi se dévore littéralement. L'émotion qui émane de la douceur du trait et de certaines scènes en rend la lecture comme magique. Thompson montre un trait d'une qualité visuelle impressionnante, encore plus poussée que sur Blankets. La complexité et la beauté des gravures et des enluminures forcent l'écarquillement des pupilles. Habibi est un récit intelligent, touchant et subtil. Craig Thompson a fait très fort. Yallah !