L'histoire :
En des temps anciens, le roi-singe, une divinité qui régnait sur le peuple du même nom, était né d’un rocher. Il maîtrisait alors les quatre disciplines célestes, c’est à dire le kunf-fu des poings, des pieds, le chevauché de nuage et… ses narines frétillaient à l’idée d’un bon banquet. Il était pourtant mis au ban par ses pairs, les autres dieux et déesses, parce qu’après tout, il n’était qu’un singe. Courroucé, il perfectionna son art et défia les dieux…
Jin Wang est un petit chinois né en Californie et habitant San Francisco. S’il est parfaitement intégré à l’école, ses yeux bridés lui valent néanmoins de permanents préjugés vaseux de la part de ses camarades : les chinois mangent les chiens, ils font des mariages arrangés dès 13 ans… Difficile de se faire de vrais copains dans ces conditions. Et puis un jour débarque Wei Chen Sun, un autre garçon chinois, qui vient, lui, de Chine. Initialement peu enclin à se fondre dans une amitié « ethnique », Jin Wang va pourtant devenir le meilleur ami de Wei Chen…
Danny est un ado américain standard qui n’a qu’un problème dans la vie : son cousin Shin-tok, stéréotype du chinois rasoir et saoulant, qui vient lui rendre visite chaque année…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ces trois histoires sans lien apparent forment, au final, un tout parfaitement cohérent. Cette chronique sociale autobiographique, sorte de roman graphique ovni en one-shot, a été pondue par un chinois d’Amérique totalement inconnu… Mais il a raflé en 2006, un florilège de prix et distinctions outré atlantique, dont (prenez votre souffle) la meilleure BD (pour Publishers Weekly, Booklist, Amazon.com), meilleur livre (pour The San Franciso Chronicle, The Scool Library Journal), Lauréat du Michaël Printz Award et du Reuben Award, et carrément finaliste du National Book Award (c’est la première BD à apparaître ainsi au palmarès le plus prestigieux des prix littéraires américains). Esthétiquement, le trait est précis, une sorte de ligne archi-claire, limite naïve, complétée par des aplats de couleurs intérieures, mais ce graphisme est d’une grande lisibilité. En France, le propos n’a pas un impact équivalent car notre société n’est pas confrontée à des problématiques strictement identiques d’intégration (mais bien d’autres). L’ouvrage se laisse pourtant lire avec un amusement certain et il en dit long sur le ressenti d’un émigré confronté aux préjugés lourds, humiliants, rabâchés de la population dans laquelle il essaie de se fondre. Le plus réjouissant se situe dans la manière dont Gene Luen Yang fait se rejoindre ses 3 récits. Chacune de ses histoires est une métaphore de l’autre, un angle de vue différemment interprété. Les mangaphiles se réjouiront également de cette version de la légende du roi-singe, qui inspira en son temps le cultissime Dragon-Ball. Un curieux petit pavé de 230 pages, très intéressant, à découvrir…