L'histoire :
Lorsque l’on pense au cancer, on pense généralement aux autres. On se souvient qu’alors il faudra éviter de fixer chez l’ami(e) déclaré(e) la zone incriminée : Un cancer au sein ? Surtout ne pas regarder sa poitrine, surtout ne pas regarder… Lorsque que l’on pense au cancer, on oublie généralement qu’il y a deux phases (au moins) avant son diagnostic. D’abord le premier appel téléphonique : Bonjour, nous avons trouvé une zone calcifiée sur votre mammographie (…), deux types de biopsie (…), on vous rappelle… Alors là, c’est l’angoisse ! On s’imagine tout un tas de choses ! On n’est pas sûre d’avoir compris tout le jargon prononcé mais on s’attend au pire, sans trop y croire tout de même. On espère encore. Puis vient la terrible nouvelle, la confirmation et cette fois tout s’écroule. Les plans délirants que l’on avait échafaudé pour profiter de la vie deviennent d’un coup réalité. La mort rôde et il faut retrouver un sens à l’existence. Que feront son mari et son fils Aaron sans elle ? D’un coup d’un seul, on bascule dans un autre monde, le monde de ceux qui ont un cancer quand les autres non, un monde bipolaire où l’on est seul contre tous et que l’humour reste la seule arme pour supporter ce sentiment affreux remontant à l’enfance : l’univers me déteste…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Est-ce de la bande dessinée ? Ce Journal autobiographique en bande dessinée pose une nouvelle fois la sempiternelle question qui divise amateurs et fans du neuvième art. A l’instar de Persépolis (Marjane Satrapi) ou plus récemment de Lucille (Ludovic Debeurme), l’album signé de l’Américaine Miriam Engelberg se présente plus comme un roman graphique (et/ou une chronique sociale) destinée au plus large public que comme une réalisation à l’adresse de connaisseurs. L’auteur n’est en effet pas une « professionnelle » du dessin, au sens où son trait se veut simple, presque minimaliste. Et en cela, l’album rebutera nombre d’entre vous… qui passeront alors à côté d’un sujet brûlant et profond. Comment le cancer m’a fait aimer la télé et les mots croisés se compose d’une succession d’anecdotes vivantes et drôles depuis l’annonce de la terrible nouvelle à sa « mise en perspective » relative. Partant du principe que l’humour est l’arme, la seule et pertinente, contre les maux qui gangrènent nos vies, Miriam Engelberg en prend son parti pour coucher ses réflexions existentielles sur le papier. Le cancer concerne nombre d’entre nous, elle au premier chef, et pourtant il reste (restait) celui des autres. Schématiquement, « le monde se divise entre ceux qui ont un cancer et ceux qui n’ont pas de cancer ». Le sujet est sensible, grave mais traité avec une grande intelligence. Evitez néanmoins de lire cet album d’un trait car, bien que (paradoxalement) drôle, l’accumulation d’ironie cynique et grinçante a ses limites. Sur la longueur, vous risqueriez de passer d’un sentiment de recul amusé et empathique à la dépression. En résumé, format et présentation évoquent un roman, c’est en effet le cas mais graphique s’il vous plaît ! Une œuvre qui séduira au-delà du seul public de la bande dessinée. Tel est son propos et il est essentiel…