L'histoire :
Juin 1960. Le film Psychose est projeté pour la première fois à NY. Alfred Hitchcock a pris des risques considérables pour le réaliser. La Paramount a en effet refusé de produire son adaptation du roman d'horreur gore de Robert Bloch. Le maître du suspense a alors décidé d'hypothéquer sa maison pour pouvoir réaliser son œuvre. Afin de ne pas éventer le contenu du film, il fait alors appel à une pratique jusque-là inédite au cinéma. D'une part il interdit toute sortie une fois la séance de projection débutée mais d'autre part, il charge des émissaires d'acheter tous les exemplaires disponibles du roman. Si le film embrasse immédiatement le succès, un fait divers fait que le maître du suspense est passé au grill des journalistes : un tueur a dit à la police que son troisième meurtre résulte du fait qu'il a vu le film. Mieux que s'en défendre, le réalisateur démontre qu'il s'agit d'un argument fallacieux. Et quand bien même serait-il vrai, il serait alors la démonstration que la personne est un malade mental. Au delà de la polémique créée par le film, la vérité est qu'il convoque la figure d'Eddie Gein. En effet trois ans avant, le pays entier découvrait les horreurs indicibles perpétrées par ce tueur, nécrophile par ailleurs...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eddie Gein a été l'inspirateur d'une foule de personnages fictifs de tueurs en série. On pense notamment à Leatherface. Parce qu'il avait confectionné des masques, des pantalons et même des tabliers sur lesquels les seins de ses victimes féminines étaient cousus et qu'ils s'en affublait. Vous l'avez compris, en lisant ce livre, vous allez plonger dans sa folie macabre. Mais la force du travail de Harold Schechter, qui adapte ici une biographie qu'il a consacrée au tueur du Wisconsin, ce n'est pas tant la reconstitution de faits horribles, osons le dire, sordides, mais une démonstration de ce qui « fabrique » un tueur psychopathe. Partant tout d'abord du film Psychose, lui-même construit à partir d'une interprétation du livre éponyme consacré au « Boucher du Wisconsin », le livre revient dans son premier tiers à l'enfance malheureuse du petit Eddie. C'est avec un portrait d'un mère omnipotente et cédant à ce qu'il y a de plus extrême dans le puritanisme protestant, que s'appuie la thèse psychanalytique du scénariste. C'est donc avant tout, pour Schechter, qui s'est documenté des années sur son sujet, le modèle d'une mère pathologique et pathogène qui explique la folie d'Eddie. On ne vous dévoilera pas tout, mais l'homme reste une énigme, car il a toujours nié une partie de ses assassinats, revendiquant le fait que les restes de ses victimes provenait de pillages de tombes. Et s'il est avéré qu'il était effectivement un profanateur nécrophile, le plus choquant dans cette affaire qui retourna les States est qu'en réalité, on n'a jamais su combien de personnes il a tuées. Il faut dire qu'à l'époque, l'ADN n’était pas manipulé. L'autre problématique remarquablement soulevée par l'ouvrage porte sur le débat qui fait toujours polémique pour la plupart des citoyens : doit-on juger les fous ? On voit bien à quel point la population réclame la sanction pénale, quand les médecins évoquent l'absence, voire l'abolition du discernement. Côté dessins, c'est Eric Powell qui met son talent au service de la narration, avec un style réaliste tout en sobriété, comme s'il n'avait pas voulu en rajouter, tant le récit est en lui-même choquant. Ed Gein : Autopsie d'un tueur en série se pose donc comme un comic book fascinant. Parce qu'il vient certes évoquer le macabre, source de tous les fantasmes, mais de façon la plus intelligente qu'il soit.
