L'histoire :
Zack Overkill a été un super-criminel d'envergure. De ceux qui figurent tout en haut de l'affiche, c'est à dire parmi les très rares que le gouvernement se doit d'éliminer à tout prix. Et effectivement, sa carrière de malfaiteur est terminée. Seulement il n'est pas tombé. Non, il a préféré raccrocher après la mort de Xander, son frère jumeau. Alors le deal qu'il a conclu avec les autorités était assez simple. Le service fédéral lui amenait un nouvelle identité, un job et un logement. En contrepartie, il balançait toutes les infos, acceptait l'annihilation de ses pouvoirs grâce à une technologie de pointe et bien sûr, s'engageait à respecter scrupuleusement les obligations dictées par l'administration judiciaire. Deal assez simple... mais trop merdique pour un type au fond hyper violent, sans état d'âme ni aucune morale. Alors, son job minable qui l'enferme entre quatre mur d'un bureau tout aussi minable et son agent de probation qui lui met constamment la pression vont saper son moral, jusqu'à ce qu'il finisse par craquer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un peu plus de dix ans après sa première parution, Delcourt réunit les deux volumes initiaux de la série pour une Intégrale qui se conclut par un copieux cahier de bonus. A l'époque, la série arrive peu après Criminal, summum du polar noir. Alors pour ceux qui restaient sur strictement la même attente, Incognito leur a fait un peu drôle, car le côté super-héros pouvait leur sembler relever de l'artifice. Et pourtant, Brubaker s'inscrit ici dans le registre d'un Alan Moore, en sculptant un personnage désabusé et amoral, qui évolue dans un monde qui donne la nausée. Et puis il y a toujours cette incroyable capacité à creuser la psychologie d'un personnage, archétype du anti-héros qui, pourtant, peut s'avérer, de brefs moments, attachant tant il souffre. Overkill est le modèle parfait du salaud, mais qui reste terriblement humain. Une fois de plus, le scénariste descend et entraîne le lecteur dans les profondeurs de la noirceur de l'âme humaine. Et là où l'écrivain fait très fort, c'est qu'il pulvérise le manichéisme du genre super-héroïque. Il n'y a pas de gentils dans Incognito et ne cherchez pas de morale parmi les représentants des autorités, prêtes aussi à employer tous les moyens au prétexte de protéger la population. Côté dessins, Sean Philipps se met au diapason de ce récit rugueux. Il découpe les personnages comme un peintre utilise le couteau et comme un malfrat surine sa victime. Il ne joue pas sur l'esthétique qu'on retrouve dans Criminal. Là encore, il s'accorde parfaitement au récit, par ce que dans ce monde-là, rien n'est finalement beau. Alors si vous aviez loupé la première édition, cette Intégrale ne passera pas incognito parmi vos comics.