L'histoire :
Joe Matt, cartooniste trentenaire, habite chichement à Toronto en compagnie de sa copine, Trish. En journée, alors qu’il est sensé bosser sur ses BD autobiographiques, il passe le plus clair de son temps à glander ou à passer des coups de fils pendant des heures à son pote Seth, lui narrant par le menu ses moindres états d’âmes. Le reste du temps, il se masturbe, s’imaginant entre les mains de deux créatures exotiques, bisexuelles et expertes en Kamasutra… Or, lorsque Trish rentre, il est détestable et méprisable avec elle. Résultat : ils passent leurs soirées à s’engueuler. Ce qui agace aussi Joe, c’est son voisin du dessus, un gros bonhomme poilu, cultivé mais sans le sou, qui l’abreuve à la moindre occasion d’un flot de données qui ne l’intéressent pas le moins du monde. Un jour, Trish lui annonce que dans le nouveau job qu’elle vient de trouver, il y a cette mignonne métis sur laquelle Joe fantasme complètement. Dès lors, il n’aura de cesse que de la rencontrer, de provoquer la discussion, sous les yeux logiquement outrés de Trish ! Un jour, elle en a assez d’être malheureuse et elle le quitte. Les premiers jours, Joe fait mine de s’en foutre royalement. Mais il déchante rapidement lorsqu’elle lui annonce qu’elle a trouvé un autre homme, bien plus avenant à son égard…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme dans toutes les autobiographies, ce comics en noir et blanc propose de suivre la vie de son auteur, Joe Matt, un américain habitant Toronto, dans son quotidien banal et sa triste libido. Jusqu’au-boutiste en la démarche, il est ainsi présent, au centre de chacune des cases de ce recueil… un nombrilisme qui pourrait rapidement agacer, s’il s’agissait de se mettre valeur. Or c’est précisément à l’inverse que Joe Matt s’adonne : il assume son moi le plus sincère et le plus pathétique, sans limite. Joe Matt se montre détestable avec sa copine Trish, Joe Matt se masturbe en douce, Joe Matt glande sévère, Joe Matt a une hygiène déplorable, Joe Matt matte (sic) les filles, surtout celles un peu typées, exotiques voire métis ou asiatiques, maigres, aux chevons longs et bruns… car Joe Matt est archi difficile. En ce sens, rarement l’exercice de l’autobio aura autant collé à sa définition. Le plus sincèrement du monde, l’auteur se reconnait volontiers égocentrique, obsédé sexuel, râleur, exigeant, inculte, looser… bref, le titre du recueil est parfaitement adapté. Les 6 histoires courtes qui le composent furent originellement publiés sous formes de fascicules, appelés Peepshow. Graphiquement, les encrages propres et limpides se concentrent avant tout sur des personnages à grosses têtes, surmontant des corps archétypés et des décors bien présents, mais secondaires. Le pire, c’est qu’on ne s’ennuie pas un instant, intrigués que nous sommes de le voir se liquéfier lors de sa prochaine approche de la gente féminine. Cette recette éditoriale a pas mal fonctionné, au point aujourd’hui de traverser l’Atlantique. L’auteur est en effet aujourd’hui considéré comme l’un des piliers de la BD indé et autobiographique, un genre qui trouve son parallèle en France avec les nombreux blogs BD (sur web ou désormais recueils).