L'histoire :
En janvier 1937, le jeune Billy Eyron (alias Will Eisner) est employé au sein de l'imprimerie Davis. Au besoin, il réalise quelques petites illustrations pour des clients, mais la plupart du temps, il balaie et nettoie les machines. Un beau jour, un mafieux le démarche pour réaliser de la « bande dessinée », une frange des arts graphiques encore fort peu courue, à l'époque. Il s'avère que les BD en questions sont des parodies pornos de strips connus (Popeye...). Billy décline la proposition... et se fait virer de chez Davis, qui devait imprimer la chose, le cas échéant. De contacts en réunions, Billy montre son book à Jimmy Samson, qui vient de lancer un nouveau magazine, Socko. Billy lui apporte une aide providentielle, sur le pouce, et décroche en retour son premier contrat. Mais à peine est-il embauché que le magazine met déjà la clé sous la porte. Toutefois, les deux hommes ont eu le temps de sympathiser et sentent un appel d'air du marché en faveur des strip-comics. Billy propose donc une association à Jimmy : lui au dessin, Jimmy pour décrocher des contrats. Avec 30 dollars en poche, ils louent un minuscule local et posent les bases de ce qui allait devenir un important studio créatif...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Delcourt poursuivent leur réédition de l'œuvre de Will Eisner traduite, avec ce petit album souple qui regroupe en fait 3 récits. Le premier, Le rêveur, met en scène l'auteur lui-même, ce géant (américain) de la BD que fut Will Eisner. Cette autobiographie de ses premières années en tant que dessinateur de comics, fut initialement publiée en 1986. Le second récit (de seulement 4 planches), Le jour où je suis devenu un pro, illustre une anecdote quelque peu cynique de la jeunesse du maître, sur un style graphique sensiblement différent. Enfin le troisième, Crépuscule à Sunshine City s'intéresse à un tiers, propriétaire retraité d'une cafétéria qui tente (hélas) de se constituer une fin de vie agréable. Mais revenons au principal récit, le Rêveur. En 46 planches (en noir et blanc), Eisner y raconte la genèse du 9e art américain, l'industrie du comics dans les années 30, un âge d'or qui vit la naissance de super héros encore bien actuels (Batman, Superman...). On comprend notamment que la formidable aisance graphique d'Eisner découle essentiellement d'une masse faramineuse de travail (il n'y a pas de secret...). Par respect pour les acteurs (et par déontologie), les noms ont tous été changés (Will Eisner s'y baptise lui-même Billy Eyron), mais un lexique en fin d'album remet tout dans l'ordre, pour constituer finalement un témoignage parfaitement didactique. Ce retour sur cette jeunesse ambitieuse et ce « marché » ouvert s'accompagne logiquement d'une forte nostalgie, bien que sa transcription soit très linéaire, presque naïve dans sa forme narrative : les dialogues visent plus à être explicites, que psychologiquement crédibles. Ainsi, la forte densité des informations et des anecdotes réserve cet ouvrage aux lecteurs passionnés par le sujet, l'époque ou l'auteur. A noter que la postface signée Scott McCloud décrypte en forme d'hommage les ambitions et le contexte, à l'attention des profanes...