L'histoire :
C’est l’histoire d’un immeuble construit au XIXe siècle, situé à l’intersection de deux avenues new-yorkaises. 80 ans qu’il est là, qu’il fait partie du paysage… jusqu’au jour où il est rasé, d’un coup et remplacé par un autre, plus moderne. La vie urbaine ne cesse pas pour autant son cours et l’on retrouve rapidement au pied de cet « Hammond building » quatre fantômes qui vécurent du temps des fastes du précédent bâtiment. Parmi eux, se trouve Monroe Mensh, simple vendeur de chaussures, qui traverse tous les jours à heure fixe un passage piéton juste devant l’immeuble. Jusqu’au jour où survient un tragique règlement de compte mafieux. Une rafale de mitraillette dégomme plusieurs passants et un gamin, juste devant Monroe. L’homme culpabilisera toute sa vie de n’avoir pas eu le réflexe de le protéger, au point de démissionner et de consacrer le restant de son existence au secours à l’enfance. Un autre fantôme est celui de Gilda Green, amoureuse d’un poète mais mariée à un dentiste. Chaque jour, les deux amants se retrouvaient en cachette devant l’entrée de l’immeuble…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En prenant du recul sur sa propre vie urbaine en la ville de New York, Will Eisner a pris peu à peu conscience de ces milliers de vies humaines qui la composent, mais aussi des immeubles, comme dotés d’une âme propre. Presque aussi perturbé par le décès d’une personne que par la destruction d’un immeuble, il a alors imaginé le premier récit qui compose la première moitié de ce recueil (et donne son nom au titre). Celui-ci place un vieil immeuble – et les radiations humaines qu’il a forcément absorbées au cours de son existence – dans la position du héros. Ça donne lieu à un petit bijou emprunt de poésie, illustrée avec maestria en noir et blanc par le coup de crayon si spontané d’Eisner. La deuxième partie du recueil se compose alors de très nombreuses histoires courtes, qui sont autant de brefs hommages à la ville qu’Eisner a visiblement adulée, New-York. Ce carnet de croquis tout à tour léger, drôle, émouvant ou malicieux, focalise sur le rapport de la ville au temps (les habitants des villes sont des gens pressés), aux relations spatiales entre tous ces urbains, à leurs trajectoires qui se collisionnent parfois… Comme pour se dédouaner du manque de fil conducteur et d’acteur majeur, carences inhérentes à ce travail thématique, Eisner (se ?) dessine un caricaturiste de foule en spectateur de ces nombreux moments de vie. Un retour indispensable sur une œuvre fondatrice du 9e art…