L'histoire :
Juillet 1997. Jacob galère sur un boulot. Il est graphiste et il doit rentrer vite fait chez lui pour trouver de la doc'. Un message est déposé sur son répondeur. C'est Mindy, qui bosse pour la Convention qui va avoir lieu dans quelques jours, le populaire Comic Fest. Elle lui demande de la rappeler en urgence, ce qu'il n'hésite pas à faire. Elle lui dit alors que Hal Crane va recevoir un prix pour l'ensemble de son œuvre et que l'orga a besoin d'un accompagnateur. Quelqu'un qui le suive durant quelques jours. Officiellement pour lui rendre le séjour plus agréable, mais l'idée, c'est de s'assurer que Hal se rendra bien aux cérémonies et tables rondes prévues. Hal, c'est un coriace. Limite ingérable. Ça fait quelques années qu'il est tombé au fond de sa bouteille de whisky et Jacob n'a pas vraiment envie de jouer les bons samaritains avec lui. Il faut dire qu'il le connaît bien, puisqu'il a été son assistant et comme avec tous les autres, ça c'est mal terminé. S'il a quitté l'industrie des comics, c'est parce que celui qu'il admirait a fini par le démotiver complètement, en lui en mettant plein la tronche presque tous les jours. Mais c'est Hal qui a demandé à être accompagné de Jacob... Alors ce dernier accepte.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne vantera jamais assez la série Criminal. Et comme elle est probablement le zénith du tandem Ed Brubaker/Sean Phillips, les auteurs ont développé un spin-off. Un peu comme un univers étendu, avec un one-shot qui reprend à chaque fois un personnage. Concept classique, qu'on avait trouvé convaincant avec Mes héros ont toujours été des junkies. Ce nouvel album de la série A Criminal Novella a pour personnages principaux deux dessinateurs de comics. Et si on précise le titre VO, c'est pour exprimer le fait que ce comic book quitte tranquillement le registre polar pour rentrer dans celui des nouvelles. L'art qui est celui de ces auteurs tient à raconter des histoires avec des types tout sauf attachants, mais qui vous marquent, comme lecteur. Hé bien ici, c'est rebelote ! Le portrait de Hal, ce vieux roublard devenu un peu trop alcoolo pour être gérable, est juste incroyable. De plus, son parcours permet un clin d’œil à de très grands noms, Will Eisner a même un caméo ! Et puis, il y a Jacob, le narrateur. Et tout cela pour vous dire que pas grand chose ne verse dans le spectaculaire, tant l'ensemble se concentre sur la psychologie des personnages. Alors une fois l'album fini, on peut avoir le sentiment qu'il ne s'y passe pas grand chose, mais la morale de l'histoire vous rappelle à quel point elle est acide pour l'industrie du comics. De l'acide sur le velours de la narration. Un velours forcément noir avec le trait de Sean Philipps, qui semble simplifier de plus en plus son style. Une remarque qui vaut aussi pour son fils de coloriste, qui délivre ici une prestation bien plus sobre que sur l'album précédent. Voici donc un petit bijou qui se cache sous un écrin à l'apparence plutôt ordinaire.