L'histoire :
Angleterre, durant le XVIIème siècle. Une femme est réveillée à l'aube par son mari. Elle est en nage et dissimule avec peine la confusion qui est la sienne. Son mari, le bailli de la commune, s'apprête à vivre une journée importante. Par délégation du Seigneur, il va ce jour exercer ses attributions judiciaires. C'est un procès spécial pour lui et il aimerait que sa femme y assiste, mais elle lui répond qu'elle n'est pas en grande forme. La réalité, c'est qu'une femme va être brûlée sur le bûcher, car elle ne va pas échapper aux accusations de sorcellerie que ce mari a instruit à charge et son épouse veut s'épargner ce spectacle barbare, mais elle ne peut pas lui dire… L'autre réalité, dont le bailli ne se doute pas encore, c'est que, depuis quelque temps, une étrange créature hante le sommeil de sa femme. La silhouette sombre qui s'est emparée de ses rêves est la figure de la tentation, celle du désir qui s'empare d'elle et auquel elle veut céder…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Imaginez la campagne puritaine anglaise au XVIIème siècle. Imaginez une femme tourmentée dans son sommeil par une sombre figure qui vient attiser ses sens... Imaginez distinguer très clairement le style graphique avec un dessin assez classique quand la narration évoque le quotidien et un graphisme très proche des peintures digitales à la John Bolton qaund le démon de minuit se pointe et vous aurez déjà une petite idée de ce qui vous attend. Somna est en effet un récit écrit et dessiné à quatre mains et c'est peu commun. Il se trouve également que les deux autrices ont déjà un statut. Commençons par Becky Cloonan, forcément plus connue que sa collègue. Un peu plus de 40 ans, un peu plus de 20 ans de carrière pro et 4 Eisner Awards, ça vous donne une idée de la connaissance (et reconnaissance) qu'elle a du métier. Tula Lotay (de son vrai nom Lisa Wood) est une anglaise à peine plus âgée et elle a le vent en poupe : deux Eisner en deux ans ! Ce sont donc « des noms dans le milieu » qui signent ce comics qui se veut ambitieux. Évidemment, on va y trouver une sensibilité féminine, qui passe par les thèmes embrassés car il s'agit de revenir sur une des époques dite de « Chasse aux sorcières » et focaliser sur le destin d'une jeune épouse, prude, visitée chaque nuit par un démon du désir, une sorte d'Eros maléfique, en quelque sorte. Alors, si le propos n'est pas mauvais, si l'alternance de deux styles graphiques diamétralement opposés fonctionne, on va vous dire franchement que ce qui est réputé sulfureux en matière de BD aux States, c'est un peu de la gnognotte chez nous. Tout juste faut-il être un ado pré-pubère pour trouver ici un brin de début de frémissement d'excitation. Hé oui, nous, les Européens, on a Milo Manara, Paolo Serpieri, chez nous on a eu Alex Varenne, et bien d'autres… Là ça envoyait du bois. Alors les petits froufrous pseudo démoniaques et extatiques des Ricains, faudra repasser ou tenter une deuxième fois, parce qu'on est bien à 10 yards minimum de l'érotisme, le vrai. Il faut oublier le touch down avec cet album ! Ça reste pour autant un bon one shot, même si effectivement, vous l'avez compris, l'industrie du comics se fait plaisir en disant qu'elle se lâche et prend des risques, alors qu'elle reste en réalité bien engoncée dans le carcan du no shoking.