L'histoire :
Suckle : Basil est expulsé des profondeurs du désert par l’entremise d’un vagin sablonneux. Il erre bientôt comme une âme en peine à la recherche d’un corps contre lequel se réchauffer, envieux de retrouver la douceur apaisante du sexe nourricier. Il fait quelques rencontres et il découvre surtout des tas de sensations qui impriment à son bas ventre des désirs qu’il refoule mais ne peut contrôler : toucher, avaler, lécher, caresser jusqu’à l’excès, dégoulinant. En ville, il multiplie les expériences entre des corps outranciers mais aucun d’eux ne semblent pouvoir le combler. Et si, en dehors de l’esthétisme alléchant du sexe féminin, Basil avait besoin d’amour ?
Crumple : Knuckle bosse à l’usine. Il assemble bras et nichons à la chaine dans une fabrique de poupées. Ce soir à la débauche après quelques courses, il passe chez sa copine avec vin et cadeau pour un anniversaire en amoureux. Nu comme un ver, un préservatif pour seul vêtement, il souhaite investir sa belle en un ébat fougueux. Mais la fiancée le ramollit bien vite en lui annonçant qu’elle en pince, désormais, pour une fille. Il se console chez Zev, un incorrigible misogyne qui lui propose de s’envoler pour Hollywood pour y assiéger bar à filles et peep-shows. Mais ces deux-là boivent bien vite le calice de la désillusion, car bien loin de fuir les féministes, c’est leur autorité qui les asservit bientôt : pas demain la veille qu’ils assouviront leur lubricité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Antérieurs à Ripple (Le Seuil 2005) avec lequel ils constituent une trilogie, Suckle et Crumple débarquent en France sous le patronage de la collection Outsider qui se propose d’accueillir en son sein la BD indépendante américaine. Contrairement à ce que le mot trilogie fait habituellement raisonner dans nos cerveaux cartésiens, il n’y a pas ici, a priori, d’unité narrative : aucune intrigue, aucun personnage, aucun lieu en commun. De même, le trait de cet artiste canadien n’est pas rigoureusement identique d’une œuvre à l’autre : suintant sur Suckle, rond et ferme sur Crumple. Ce qui unit la série, c’est l’univers délirant et déjanté d’un artiste qui donne le sentiment d’avoir ingéré toute une pharmacie, avant de s’être mis à la planche à dessins. Ici l’obsession des corps guide le trait, conférant à l’œuvre une symbolique sexuelle chargée et violente, une communion primaire avec la chair qui comblerait n’importe quel psy freudien. Dans les deux histoires, le scénario est plutôt pauvre, il sert avant tout le fantasme et le trait. Un trait collant et visqueux qui donne envie d’aller s’essuyer les mains… Il faudra faire un bel effort pour comprendre l’œuvre et ne pas se contenter des yeux, car pour suivre Dave Cooper, il faut certainement aller chercher au plus profond de soi : c’est inévitablement très dérangeant et pas toujours utile…