L'histoire :
Un jour, l'observatoire du mont Torrance remarque la déviation de Pluton aux confins de notre système solaire. Puis une étoile apparaît, engloutissant la planète, avant de poursuivre inexorablement sa course vers nous. Cette énorme étoile va perturber l'ensemble de notre système et rendre notre monde invivable, déclenchant cataclysmes, bouleversements géologiques et radiations, tuant des millions d'êtres vivants. Deux siècles plus tard, on a pratiquement oublié les raisons de cet holocauste, et l'être humain est revenu à l'âge de pierre, évoluant au sein de tribus nomades, comme celle de Grom et du jeune Bloodstar. A la suite d'une partie de chasse malheureuse, Grom, mortellement blessé, va se confier à son jeune ami guerrier, et évoquer l'histoire de son père : Bloodstar l’ancien et de la malédiction de la vallée du nord...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Apparu dans les pages de la revue Métal hurlant, première du nom, en 1980, Bloodstar, publié aux Etats unis chez Ariel books un an plus tôt a d'abord débuté en noir et blanc dans la revue avant de passer en couleurs, celles-ci n’étant néanmoins pas réalisées par l’auteur. Cette histoire s'inspire librement mais très fortement de la nouvelle de Robert E. Howard La vallée du vert (1934), tel que précisé par François Truchaud dans sa préface. Cette adaptation de 92 planches offre un excellent condensé de la patte de Richard Corben de l’époque, en précisant que ce récit, bien que pouvant s'apparenter à la « culture Conan », c'est à dire un héros dans des âges barbares évoluant au milieu de dangers divers, fait de sorciers et de monstres, se situe davantage dans le registre science-fiction post-apocalyptique, l'auteur ayant ajouté un prologue expliquant comment notre monde moderne est arrivé à sa chute, retournant à l'âge de pierre. Il est bien sûr question d'amitié virile entre deux guerriers de peuples différents : le blond Bloodstar, et le brun plus primitif dans son aspect : Grom, sauvé d’une mort certaine après une bataille les opposant. Amitié qui les liera par un pacte suite au bannissement de Bloodstar par sa propre tribu. Cependant, le malheur qui va s'abattre plus tard sur la petite troupe devenue trio avec la femme de Bloodstar les ayant rejoint, va convoquer à la fois une vieille vengeance, mais surtout l'aspect le plus horrifique du récit. Ce fameux ver de la vallée, représentation gluante et monstrueuse des restes d'un monde irradié, évoque avec force le Cthulhu dans les écrits de Lovecraft, contemporain d'Howard. Cela dit, à la différence des récits de l'auteur de Providence, cette force n'est pas l’œuvre de démons, mais peut se voir davantage comme l'élément dramatique déclencheur, inhérent au sacrifice humain auquel doit procéder le trio. Car le bonheur, dans cette vie redevenue sauvage, ne leur est pas permis. Dès lors, l'acte héroïque du père et du mari meurtri, croyant ses amours disparus à jamais, se jetant à corps perdu dans un combat dont l'issue est incertaine, apparait comme l'acte sacrificiel d'un homme qui laissera sa trace dans l'histoire humaine, permettant a celle-ci d'ailleurs de relever la tête et de regagner sa fierté, la transmettant en tous cas. L'étoile ornant le front du héros, puis celui de son fils, signe comme un pacte avec l'étoile meurtrière, une sorte d’équilibre ayant été rétabli. Le choix d'une édition plus luxueuse que la première édition française brochée, privilégiant les tons noir et blanc en lavis originaux, a le mérite d'une homogénéité et d'une qualité de reproduction irréprochable, faisant ressortir une certaine brillance et tout l’art du dessinateur. L'ajout de 22 reproductions de planches originales dans le cahier iconographique final permet d’ailleurs de constater combien la qualité d'impression est bluffante. La traduction originale de Françoise Grassin a été remplacée par celle de Dough Headline, apportant une certaine modernité dans les termes ou formules utilisés. L'anecdote de Bernie Wrightson, reproduite en fin d’album à propos de la peinture originale de la couverture de Bloodstar en 1976, s’ajoute à la préface de François Truchaud, en grande partie réécrite, en plus du cahier graphique. Un album essentiel et indispensable dans toute bibliothèque de bandes dessinées de Fantasy !