L'histoire :
A Wertham... Neal Dennis anime une émission de radio populaire. Une sorte de libre antenne, où il incite les citoyens de sa ville, qu'il surnomme affectueusement «Zoneville», à s'exprimer au sujet de ce qu'ils souhaitent. Ce soir, le premier auditeur qui l'appelle refuse de s'identifier. Il prétend être docteur et veut parler des enfants. Il évoque alors Chippy, Kid Vicious, Wild Boy et Luna. L’animateur radio le coupe : «Oh naaaan ! Pas ces ringards ! Mesdames et Messieurs, Doc ici présent veut parler du type de héros le plus absurde qui traîne à Slumburg... D'ailleurs, à mon avis, il s'agit plus de porte-manteaux que de héros, pas vrai Doc ?»... «C'est à dire que... On les appelle plutôt des sidekicks»... «Fake news, Doc ' ! Dans cette ville, on a baptisé ces crétins le Bratpack. Et tout ce concept d'ados qui se déguisent pour aller combattre le crime au côté de Midnight Mink ou de Judge Jury est parfaitement grotesque ! Sous leur masque, ce ne sont que des gamins. Soyons sérieux Doc', c'est la risée finie. A vrai dire, je parierais qu'une grande majorité des citoyens de Slumburg préfèrerait les voir se faire atomiser. Tiens, on va lancer un sondage pour vous le prouver. Vous en pensez-quoi, vous tous ? Ces sidekicks insupportables, vous les préférez morts ou vifs ? Appelez-nous pour nous le dire au 666-8200. Le bratpack, on le garde ou on le jette ? On les crame, on les plonge dans l'huile, on les pulvérise ? Le verdict est entre vos mains ! 666-8200 !»...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans sa remarquable préface, Neil Gaiman nous livre bien des clés de compréhension de ce brûlot que Rick Veitch a publié en 1991, pour y revenir, le retoucher et lui donner la forme actuelle, que les éditions Délirium ont (une nouvelle fois) la bonne idée de mettre à notre disposition. Ritch Veitch, c'est un auteur qui s'est fait virer de chez D.C pour une affaire de bienpensance. Il écrivait Swamp Thing, qu'il avait aussi dessiné, alors qu'il travaillait régulièrement pour l'éditeur depuis le début des années 80. Mais voilà, dans son arc, l'esprit élémentaire rencontrait Jesus Christ, dans le jardin de Gethsémani (le lieu où le Christ pria avant son arrestation). Rien de blasphématoire, mais l'éditeur, frileux s'il en est, craint le scandale et la pression potentielle des représentants de la religion. Direction la porte pour l'auteur ! Et peu de temps avant, D.C avait monté sa fameuse opération téléphonique pour «tuer» ou garder Jason Todd, le second Robin du nom, que Gerry Conway et Don Newton avaient créé 5 ans avant, mais qui ne plaisait pas au lectorat. Les ventes du Batman s'en faisaient cruellement ressentir et... la suite donna le légendaire Un deuil dans la famille. Mais pour Rick Veitch, lui qui connaissait les coulisses, il s'agissait de marketing, de parts de marché et d'une forme de maltraitance à l'égard des artistes. Maltraitance légitimée par le lectorat. Brat Pack parle de cela et c'est une histoire qui va donc complètement à contresens de ce que véhicule, encore aujourd'hui, l’industrie lourde des comic books meanstream. Alors on va aussi vous dire que l'auteur a été un collaborateur proche d'Alan Moore. Ça vous donnera une idée de la qualité d'écriture et ça nous permet de ne pas vous révéler plus de l'acidité contenue et parfois de la violence explicite de ce récit d'environ 220 pages. Un mot pour vous dire aussi que le noir et blanc, avec ses trames de gris, est aussi poisseux que cette ville pourrie, qui, soit dit en passant, porte le nom du psychiatre essentiellement responsable du Comics Code Authority, ce fameux comité de censure... C'est du grand dessin : par moments, on croirait parfois voir des réminiscences d'un Richard Corben. Dans toutes ses dimensions, ce récit est truffé de références qui feront votre régal. Ainsi que sa postface, signée de l'auteur lui même. Alors si vous aimez les histoires qui piétinent les sentiers battus par les super-gars en spandex, Brat Pack est fait pour vous !