L'histoire :
Chad Roe est un cadre dynamique New Yorkais qui a tout pour réussir : un bon métier et une femme aimante, jusqu'au jour où la société qui l'emploie et qui vend un marqueur indélébile, chute soudain en bourse suite à une utilisation négative inattendue du produit. Lui va alors faire connaissance avec deux bimbos délurées, qui vont lui tatouer entièrement le corps à l’aide d’un de ses fameux marqueurs. Déstabilisé par ce nouveau look, mais aussi perdu mentalement, ne sachant où aller, il va errer, de rencontres en rencontres improbables, dans un road trip mystique, jusqu’à un rassemblement festif déjanté en plein désert, façon Burning man. Là, il va réaliser, avec d'autres connaissances, en pleine fête orgiaque, la complète réalité de la destruction des tours du World Trade Center...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deux lumières aveuglantes, deux lasers recréant ce qui a été, ce qui ne sera plus. Deux ascenseurs hissant vers un paradis imaginaire les âmes de toutes celles et ceux qui ont disparu... Il y aurait tant à dire sur Can't Get No et simplement sa couverture. Ce livre opère déjà, en tant qu'album, telle une compilation des plus belles prouesses techniques graphiques que le comics peut apporter (quelle superbe page 295 !). Il vous transporte cela dit aussi loin, très loin, et ça ne sera pas faire injure à son auteur que d'écrire qu'il agit comme un puissant produit psychotrope, nous faisant traverser en montagnes russes différents états hallucinatoires, avant de doucement nous reposer sur nos pieds. On suit Chad Roe dans son désarroi, dans ses expérimentations, de l'autre monde, de celui « Entre deux », vivant à son niveau ses frustrations, entre autre sexuelles. L’auteur amène d’ailleurs ces dernières tel un fil conducteur, permettant de trouver des repères là où tous les autres ont disparu. La morale, puisqu'il y en a une, ou en tous cas un constat, apporte un espoir tout relatif à ce conte mélodramatique. La poésie qu'à souhaité Rick Veitch pour exprimer son désarroi et celui de millions d'Américains, sûrement, lui permet de poser des mots sur un traumatisme qui aurait sans doute été impossible à traiter autrement à son niveau. C'était une riche idée, certes difficile à mettre en œuvre surtout dans le cadre d'une traduction, confiée à un grand auteur français : Jean Hautepierre et certainement compliquée à vendre à un lectorat comics habituel. L'exigence qu'il y démontre néanmoins, tant au niveau graphique que scénaristique, en fait une œuvre unique, sublime. Ce roman graphique remarquable à bien des égards, dont sa qualité d'impression et de maquette, s'adresse à tous les lecteurs exigeants, aux amateurs de prose, à ceux que le Road movie et la culture Beat interpellent, ainsi qu'à tous les amoureux de belles aventures dangereuses. A l'inverse de son titre, vous éprouverez de la satisfaction à lire Rick Veitch, voire même un certain apaisement,... même si tous deux se méritent. On croit cela dit que c'est un peu la conclusion de son livre. Un titre qui ne pouvait qu'être édité par les éditions Delirium.