L'histoire :
Au sommaire de ce sixième volume d’intégrale des épisodes classiques issus de la revue 2000AD, une douzaine d’histoires de taille moyenne, réalisées dans les années 81, et rassemblées sous l’intitulé : « les Méga rackets », mais aussi les plus longs : La tournée des Hot dogs, Block Mania, et La guerre de l’apocalypse. Dans Les Croques cadavres, une bande de racketteurs s’occupe de placer des proches en animation suspendue, le temps que les intérêts du passeur d’ordre soient réglés. Trafique de glandes met en scène les Stookies, extra-terrestres mignons et poilus qui ne connaissent qu’un seul tort : posséder des glandes secrétant un liquide permettant le ralentissement du vieillissement humain. Le retour de Juge Death parle de lui-même : la juge Andersson, précédemment placée dans un caisson hermétique fait de Boing, afin d’empêcher la fuite du monstre éthéré qui l’a possédée, se voit libérée, et le monstre en même temps, par un jeune télépathe du nom de Mitson. Le massacre de Mega-City débute alors, implacable, car Death et ses trois autres acolytes de l’horreur : Juge Fire, Hate et Fear s’allient afin de tuer tous les vivants… Quant au dernier et gros épisode L’Apocalyspe, il s’agit du clou du spectacle pour ainsi dire. Les soviets ont lancé une attaque nucléaire sur Mega-City, et avec la Blockmania ayant mis la ville a feu et à sang, rien ne pourra les retenir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si l’on a aimé les précédents volumes de cette superbe intégrale magnifiquement présentée (avec galerie de couvertures couleur et biographies), il faut dire très rapidement que ce « méga volume » fait sans doute partie des meilleurs. Pourquoi ? Parce que déjà, il rassemble une myriade de dessinateurs tous plus doués les uns que les autres, dont certains n’avaient pas encore été vus dans la série. On pense entre autre à Colin Wilson, bien connu en France depuis qu’il a repris le personnage iconique de Jean Giraud dans La jeunesse de Blueberry en 1985. Ces épisodes d’au moins trois ans antérieurs démontrent déjà toute la puissance et la dynamique de son dessin et de son encrage. On a déjà parlé de Ron Smith, habitué, au style très sixties, hyper reconnaissable, ou des autres « classiques », mais John Cooper étonne aussi, avec son encrage rappelant notre Jean- Marc Rochette hexagonal. Barry Mitchell quant à lui, sur le scénario des Psycos, évoque avec un dessin bien dans le genre les EC comics comme si on y était. Sans doute parce que les hallucinations provoquées par les psychers, ces spécialistes associés à des racketteurs, pouvant entrer en contact psychique avec leurs victimes, sont tout à fait dans l’esprit (sans jeu de mot) du fameux éditeur des années cinquante. La tournée des Hot Dogs permet quant à elle de retrouver une facette scénaristique intéressante du juge Dredd, comme maitre de 12 cadets, en mission dans les terres maudites. L’occasion d’une droiture certes mais aussi d’une sorte de tendresse bienvenue. Enfin, la Guerre de l’apocalypse, avec ses 24 épisodes, remet en selle le dessinateur original de la série : Carlos Ezquerra, pour un final dingue, contant les heures les plus noires de la méga citée. Le dessin « à l’ancienne » de l’artiste, très typé seventies, tel un Moebius des débuts, convient parfaitement à ce conte nucléaire très Shakespearien. La série Juge Dredd mérite vraiment d’être connue ou mieux connue, car elle offre à beaucoup d’occasions une lecture très agréable, autant dans les aspects graphiques que l’on vient d’évoquer, mais aussi, et c’est ce qui est peut-être le moins discernable au premier coup d’oeil, une lecture sans équivoque du fond. Le duo John Wagner et Alan Grant arrive en effet, avec une recette qui lui est propre, à raconter le bien pouvant se cacher dans les règles, mêmes strictes, d’une société certes autoritaire, mais de droit. L’épisode Block Mania est à cet égard non seulement complètement délirant mais aussi très drôle. Dès lors, si la plus grande fermeté est de rigueur, on se surprend néanmoins à déceler une justice, que notre Juge défend au prix de sa vie. Beaucoup d’échos, toujours, entre cette série créée à la fin des années soixante-dix, et notre époque. Ce tome « anniversaire » remporte tous les suffrages, et peut même être une superbe porte d’entrée dans la série, exceptée le fait qu’il vous faudrait acheter auparavant au moins le tome 04 racontant l’arrivée du Juge Death. D’autant plus que ces épisodes sont l’oeuvre graphique de l’excellent Brian Bolland !