L'histoire :
Les Muties décident de prendre le pouvoir et dans l’épisode Mutopia, cela commence par une prise d’otage musclée et assassine dans un Fast Food. Néanmoins, Judge Dredd réalise assez vite qui se cache derrière ces « mutants ». Xerxès Clavier, professeur d’université le plus controversé de Méga City One a déja eu affaire à lui, et avait disparu depuis quelques temps. Les intonations du discours xénophobe sortant du restaurant pourraient bien signifier une sorte de supercherie… Lorsque Masstar, un performer sexuel sur grand écran, perd ses moyens, il doit faire appel à un remplaçant pour satisfaire les milliers de téléspectateurs avides d’émission « forte ». Sauf que ce remplaçant est un mutant, et que le révérend Kohitanal, de la Fondation de l’Anneau Virginal pour l’Abstinence Sexuelle Totale ne le voit pas de cet œil là. Ozzy,le fils de Mastar, influencé par cette secte, va t-il être complice d’une tentative de meurtre, dans Le Performer ? Dans Gibier de potence, Judge Dredd et un de ses collègues arrivent en moto à Noeud Coulant, petite bourgade paumée du désert entourant Mega City One. Là, ils font éviter de justesse un lynchage en règle à deux sommités : Dallas Pardon, ambassadeur de Texas City et son assistant, pour le soi-disant assassinat du fils du maire local. La foule, menée par cet élu à la justice expéditive, va néanmoins devoir renoncer à ce crime. Judge Dredd sauve in-extremis les deux élus, qui vont être ramenés dans une autre ville proche. Là, ces derniers seront livrés à la population, et pendus, car c’est ici qu’ils sont vraiment responsables de l’assassinat d’une centaine de personnes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si le comics Judge Dredd rassemble les meilleurs scénaristes et dessinateurs de leur époque, c’est parce que son ton « humour potache » laisse toujours une place prépondérante à l’écriture et la critique. L'anticléricalisme est de mise, ainsi que la méfiance vis à vis de tout pouvoir un peu trop conservateur. Même les juges, anti héros de la série, n'échappent pas un traitement ironique, subissant assez régulièrement les foudres de la population, comme dans l'émouvant Un hiver à l'autre ou le plus rigolo Mort au père Noël. Néanmoins, le peuple, dans ce qu'il a de plus revanchard et stupide, est aussi un plat de choix pour les auteurs, qui n'hésitent pas à moquer ses travers, le premier épisode Mutopia en étant un bon exemple, tout comme L'oisiveté. Chacun en prend pour son grade, et c'est pourquoi on rigole franchement et avec plaisir face à ce qu'il convient d'appeler un comics populaire de première catégorie. Ce volume, rassemblant des épisodes d'abord parus au sein de la revue 2000AD (les cinq premiers épisodes), puis du mensuel Judge Dredd Megazine, met cela dit en avant la patte particulièrement savoureuse du scénariste. Au delà des « habits » bien connus du héros et de son univers, on note une volonté de sérieux et un profond respect des lecteurs avec une écriture cadrée, fluide, assez adulte, autant dans la poésie et la morale inhérentes de certains récits que des clins d'oeil bien sentis. Toutefois, l'excellent travail graphique des dessinateurs- plutôt de la « jeune » garde - doit être remarqué, avec, si l'on apprécie tous les styles, une mention particulière à certains. Gibier de potence, sur dessin de Patrick Goddard impose le respect avec sa morale faisant froid dans le dos, tout comme L'oisiveté, critique acerbe de notre monde moderne consumériste, où le graphisme de John Higgins remporte tous les suffrages, autant que dans l'émouvant D'un hiver à l'autre. On remarquera aussi le style plus « punk » de Jake Lynch sur L'Immigrant, tandis que celui de Liam Sharp : Demain ne meurt jamais plus jamais rappellera un mix entre les peintures d'un Simon Bisley et d'un Éric Puech. Bonne blague que cet épisode rendant un hommage rigolo aux James Bond de toute époque. Quant au plus moderne Ben Willsher, son traitement très informatique sur Mort au père noël ne dénote pas, permettant de découvrir un artiste au découpage d'un dynamisme pêchu et là encore une pique à la société de consommation. Al Ewing délivre des scénarios puissants, aux morales implacables, rendant cet album indispensable, telle une drogue douce. On n’y résistera pas, même si l’on doit passer le restant de nos jours en ISO cubes.