L'histoire :
Londres, années quatre-vingt-dix : Helen est une jeune fille blonde, pas encore majeure, qui fait la manche dans le métro. Accompagné par un joli rat domestique noir et blanc, elle semble avoir des problèmes psychologiques, imaginant en finir sous les roues du tram. Fuyant un inceste - le comprend-on en page huit - elle rencontre une bande de jeunes désœuvrés vivant de vol à l'arraché, qui l'accueille dans un squat. Elle n'est cependant pas à l'aise et, amatrice de Beatrix Potter (1866-1943), autrice entre autres de Jeannot lapin et de Deux vilaines souris, elle s'est mise en tête de partir sur les traces de ses dernières années en Cumbrie, région du nord-ouest de l'Angleterre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aura-t-il fallu attendre 30 ans pour que ce roman graphique de référence avec lequel on a eu longtemps l'habitude de présenter son auteur, puisse trouver un lectorat conséquent ? C'est la question que l'on peut se poser à la lecture d'une œuvre forte, au sujet dur, mais traité avec beaucoup de finesse et de tendresse, dans un style graphique très agréable, presque ligne claire, que l'on a peu retrouvé depuis il faut l'admettre. En effet, Bryan Talbot n'avait en 1995 pas intégré le travail numérique qu'il a depuis rendu omniprésent dans sa série à succès Grandville, et, s'il a sans doute gagné un lectorat avec cette dernière, on pourra regretter ce beau dessin « à l'ancienne » colorisé simplement, très marqué « années quatre-vingt-dix », dans un genre qui a fait les beaux jours de noms comme Adrian Tomine, Paul Chadwick, ou Mark Buckingham dans des revues telles Dark Horse Presents. On notera plus particulièrement certaines pages, telle la remarquable double 74-75, très onirique, saturée de tons de rouge, ou la 99, où les éléments naturels déchaînés mais bienveillants nous font ressentir la paix intérieure de la jeune femme. Sur le fond, suivre les traces de Beatrix Potter dans les collines d'Ambleside avec Helen, a tout du dépaysement revigorant, parsemé de références traditionnelles et littéraires très agréables. « Il y a une vigueur qui provient de ces collines » et il faudra toute la force de la nature et l'amour sans contrepartie ou presque de ses hôtes du Herdwick Arms, le pub qui l'a accueilli, pour surmonter cet inceste la hantant depuis trop longtemps. Manifeste absolument admirable sur le sujet de l’inceste, ce livre, publié une première fois en France en 1999 chez Vertige graphique, trouve là un nouvel écrin à son niveau, dans une édition cartonnée possédant une postface supplémentaire, un extrait d'un texte par le docteur Muriel Salmona et une galerie de quatre planches originales.