L'histoire :
Charlie Bourne n'est pas un garçon très futé. Ses collègues de travail le savent bien, eux qui ne cessent de lui jouer de vilains tours. Il a beau n'avoir que 16 ans, il trouve le moyen de s'engager dans l'armée. Il part donc faire la guerre en France contre les allemands. Bien sûr, il tient régulièrement sa famille au courant, en leur envoyant des courriers, ponctués de fautes d'orthographes, dans lesquels il livre ses impressions quotidiennes. Le premier ordre de mobilisation de son bataillon l'envoie dans la Somme, où se tient une vraie guerre des tranchées. Dans son bataillon, il est aux ordres du sergent Bill Tozer, une vraie terreur qui corrige lui-même ses hommes en cas de désobéissance. Les jours progressent. Charlie découvre l'âpreté de la guerre, les cadavres d'amis jonchant les champs de bataille, les snipers ennemis, l'envie de déserter, etc. Sa naïveté et son courage seront probablement ses seuls espoirs pour sortir vivant physiquement et moralement d'une telle horreur.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Patt Mills est un scénariste anglais connu pour sa liberté de ton, Requiem et Slaine en sont de parfaits exemples. Son don naturel pour la provocation et l'extra-violence lui ont valu une cohorte de lecteurs avides de ses univers souvent fantastiques. La grande guerre de Charlie, créée avec Joe Colquhoun pour le magazine Battle Action, risque pourtant de décontenancer ses habitués. En effet, l'histoire raconte les mésaventures du soldat Charlie Bourne, un type pas très intelligent mais assez courageux, durant la bataille de la Somme, un des conflits majeurs de la première guerre mondiale. D'emblée, le lecteur sera frappé par le langage employé par les personnages. Le héros parle ainsi avec un fort accent, intensifiant sa nigauderie. Le récit de Mills se veut extrêmement réaliste. L'auteur s'est appuyé sur des documents historiques (lettres, témoignages) qui permettent ainsi d'en apprendre énormément sur cette grande boucherie. Vue la quantité de détails et d'éclaircissements, cet album devrait figurer parmi les lecture obligatoires en cours d'histoire. Mills mentionne également le fameux épisode de l'hiver 1915 où les belligérants ont échangé victuailles et boissons pour une trêve de Noël inattendue. Au milieu de la barbarie, il nous montre un peu de générosité... Les thèmes sont nombreux, l'auteur évoque la désertion, les fameux gaz moutarde, la vie dans les tranchées, etc. La dureté du conflit est présentée sans faux-semblants : démences, coups du sort, morts en pagaille, déshumanisme... L'auteur utilise des lettres envoyés par Charlie à sa famille pour exprimer les pensées de l'adolescent de 16 ans. Cela permet de mieux comprendre l'époque et surtout le héros. L’écrin est également soigné : outre deux introductions instructives, Pat Mills revient en fin d'album sur la véracité des faits et la façon dont il les a intégrés dans son histoire. Charley's war (titre original) est aussi entièrement illustré en noir et blanc par Joe Colquhoun (Zip Nolan). Cet illustrateur rend palpable les aspects les plus extrêmes du conflit en usant de traits fins et d'encrages appuyés. Plus de 30 ans après leur première parution, ces planches demeurent d'une belle modernité. La grande guerre de Charlie est un indispensable pour les amateurs d'histoire et de la grande guerre. Alan Moore dira même que personne n'est parvenu à dépeindre aussi justement l'inhumanité et la misère que Pat Mills et Joe Colquhoun dans Charley's war. Tout est dit.