L'histoire :
« Mon nom est Scott Neithamer, mais les soldats m’appellent journal ». Don Lomax, comme à son habitude, se sert de son personnage plus ou moins fictif, journaliste indépendant, pour nous immerger dans l’enfer du conflit. On le suit dès le 18 avril 1968, dans la vallée d’A-Shau, près de la frontière laotienne, auprès du 1er corps d’armée. L’ennemi bien planqué dans une région luxuriante et quadrillée de collines profite d’un refuge idéal pour déclencher ses mines Claymore et ses lances roquettes en direction des hélicoptères américains. Il faudra beaucoup de résilience aux américains et l’aide de l’aviation, indispensable dans cette guerre, afin de dégager en hélicoptère H34 un maximum de blessés. Suit « L’ennemi », traitant des Pacoh, ces paysans vietnamiens éloignés de tout et vivant tranquillement depuis deux cents ans, pris entre deux (trois !?) feux lors de l’éclatement du conflit : d’abord le nord vietnam, essayant de les endoctriner au communisme, puis le sud vietnam (les congs) les obligeant à s’exiler dans les villes de la côte. Les uns tâchant d’être plus sanguinaires que les autres afin de s’attirer leur docilité de chair à canon. Certains de ces derniers allant de l’un à l’autre camp afin de se venger, tout en devant toutefois naviguer aussi auprès des GIs, méfiants. Ensuite, les aigles hurlants tentent de reprendre une colline infestée, et là encore, l’aviation s’efforce de démembrer les tunnels truffant un terrain bien en main des nords vietnamiens. Infiltration raconte en cinq pages un épisode de lieutenant pas à la hauteur, au sein d’un camp, avant les épisodes d’Hamburger Hill s’étalant sur 50 pages, où Journal va tout d’abord se retrouver en fâcheuse position, débarqué par une soi-disant équipe d’évaluation en plein milieu de terrain hostile, car s’intéressant d’un peu trop près à des manœuvres politiquement incorrectes. La suite sera un témoignage en direct (mais à distance raisonnable) sur l’une des batailles les plus sanglantes de la guerre, un bourbier hachoir. Une boucherie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les tomes de cette excellente série se suivent et ne se ressemblent pas. Tout d'abord parce que Don Lomax est précis et se sert d'éléments vécus et d'une documentation validée par l'historien Pierre Grumberg. Surtout parce que le conflit Vietnamien a duré et que nombreux sont les combats et batailles tragiques s'y étant déroulés, offrant leur lot de décors, de protagonistes, de troupes, de matériels, rendant chaque tome différent. La vallée de la mort s’affiche comme un épisode particulièrement sanglant où Journal aura eu fort à faire pour ne pas rester enterré dans des bourbiers sans noms. L'élément principal que l’on retiendra de ce volume sera sans doute la présentation des montagnards. La fin du conflit est aussi proche (on est fin 1968 avec un Richard Nixon battant Hubert Humphrey à la présidentielle du 5 novembre, sur un programme bidon de soit-disant « fin de guerre »). Une belle rigolade qui ne permit pas cependant aux 657 hommes de la 199eme brigade d’infanterie légère qui partit à l’assaut de Hamburger Hill de survivre. Tout comme ses 2571 blessés, au fil de ses quatre ans de présence dans le pays. Cet épisode précis nous est présenté sous forme de plus petites mises en page, avec des lavis gris, parues à l’origine dans Gallery magazine entre 2001 et 2005, tandis que les cinq précédents chapitres de La vallée de la mort, aux dessins plus larges avec ce style noir et blanc toujours aussi appréciable, ont paru en deux temps, en 1994, puis 2015. Si l’on avait déjà bien compris l’engagement de l’auteur, physique et moral dans le conflit, avec une volonté de témoigner sur l’hypocrisie et la folie de tout conflit armé, on est cependant particulièrement touché par cette hécatombe grotesque, où les corps déchiquetés par les lourdes bombes et le Napalm précédant les attaques au sol se mélangent en nombre aux montagnes de boue, aux abris en bois et aux barbelés. Une boucherie, oui, qui dit désormais son nom. Attention, ceci n’est pas une fiction, et non plus un comics de jeu vidéo, mais bien ce qu’ont vécu des milliers de jeunes appelés. Indispensable témoignage de la folie humaine.
