L'histoire :
Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, œuvre de 1899, publiée en 1902, a servi de base au scénario d’Apocalypse now, apprend-on dans la préface. Cette histoire traite pourtant d’un autre type de guerre, sur un autre continent, puisque l’action se déroule au Congo à l’époque où le roi Belge Léopold 2 manipule son monde, la communauté internationale et réduit à l’esclavage un peuple pour son intérêt personnel. Matt Kish (cf. Moby Dick dans le tome 2) illustre en dix planches composées en tableaux, cette longue nouvelle ambigüe et déroutante sur des thèmes sensibles, tels le colonialisme et le racisme.
L’éveil, deuxième roman de Kate Chopin, traite d’une femme qui se laisse séduire par un homme qui n’est pas son insupportable mari. Sujet classique. Néanmoins, en 1899, le public américain la traitera comme une abjecte pornographe et sa carrière ne s’en relèvera pas, même si elle a depuis, été réhabilitée par ses pairs. C’est Rebecca Migdal qui peint à l’acrylique blanche sur fond noir cette histoire romanesque de passion et de liberté.
Puis vient L’interprétation des rêves de Sigmund Freud, adaptée par Tara Seibel. Suivi par Le magicien d’Oz de Lyman Frank Baum, en photo-dioramas de Graham Rawle. Etc.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce troisième Canon graphique, sous-titré De l’étranger à la Métamorphose en passant par Lolita, est encore plus imposant que le précédent, avec près d’une centaine de pages supplémentaires… Un mammouth dans la bibliothèque, donc. Et pourtant, il s’en dégage une meilleure harmonie, comme si une fois le concept digéré, le plaisir de lire s’en trouvait accru. Même les plus conceptuelles des adaptations sont cette fois en phase avec leur sujet d’origine. Ce troisième opus contient incontestablement plus de réussites, avec des graphismes souvent en osmose avec l’œuvre littéraire source. Comme HG Wells par Cole Jonhson, Kafka par Peter Kuper, Camus par Juan Carlos Kreimer et Julian Aron, Sartre par Robert Crumb… et pas mal d’autres. Quelques déceptions demeurent, telle celle du Loup des Steppes, trop resserré par un John Pierard au trait, qui fait pourtant mouche. C’est cette fois seulement dû à la frustration de n’être « que » mis en appétit par un trop court extrait. Toujours bien écrites, les préfaces de Russ Kick présentent leurs sujets de manière très fouillée. Le rappel des contextes historiques, des personnalités des auteurs et toujours de savoureuses anecdotes, suscitent un intérêt qui engendre un état propice à apprécier le travail d’adaptation visuelle de ces morceaux de littérature. L’éventail pléthorique d’œuvres présentées ne nuit finalement pas à la qualité globale de ce volume, qui traite du XXème siècle de belle manière. Moins brouillon et tout aussi foisonnant que les deux précédents, il ponctue très honorablement cette série qui remplit l’ambitieux objectif de présenter de la littérature en images.