L'histoire :
Paul Andrew raconte sa vie en pleine nature. Jadis, sa tribu vivait dans les montagnes et il fallait savoir tout faire pour survivre. C'est ainsi en suivant les traditions qu'il a appris à fabriquer un bateau en peau d'orignal. Il faut déjà savoir dépecer la bête, avec un couteau ou sans. Les vieux choisissent la gomme d'épicéa pour boucher les trous. Les femmes cousent la peau séchée et l'on fabrique des cordes et la structure se fait en bois. Construire un bateau prend du temps et ils font cela une fois par an. Quand il était bébé, Paul était souvent à bord de ce genre de bateaux car la vie sur Terre n'est pas faite pour un nourrisson. La vie là-bas dépend de la nature et des animaux. Il faut donc vivre de chasse et de pêche. Ils ont aussi des attelages traînés par des chiens. Ils peuvent faire plus d'une dizaine de kilomètres pour récupérer du matériel. Tout le monde est occupé dans la tribu, sauf les plus jeunes. Qu'on soit un homme ou une femme, il faut savoir tout faire car si on est seul en pleine nature, il faut être capable de se débrouiller pour manger et survivre. En communauté, personne ne dit à l'autre quoi faire. Il suffit simplement de regarder ce qui se passe autour et on sait très vite ce que l'on peut faire pour aider les autres. Ce serait une belle vie s'il n'y avait, dans le nord du Canada, la population « civilisée », qui n'a pas du tout les mêmes coutumes et comportements...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce pavé de plus de 200 pages porte sur la vie de la tribu Dene, des Indiens d'Amérique du Nord vivant au Canada. De premier abord, cet ouvrage n'est pas vraiment « glamour » et pourtant, le traitement effectué par Joe Sacco est remarquable à plus d'un titre. Le travail de recherche et de mise en forme est un projet anthropologique étonnamment complet et rarement égalé en bande dessinée. L'auteur balaie tous les sujets possibles et imaginables, de façon fine et précise. Ainsi, on évoque des thèmes divers comme les traités de territoire, la survie en terre sauvage, les jeux traditionnels, la chasse et la pêche, la progression du peuple vers une vie à l'occidentale, les ravages de l'alcool, la religion et les croyances... Certains points techniques difficiles sont minutieusement détaillés, comme l'extraction du pétrole ou les tractations géopolitiques de partage de territoires. On pourrait être perdu ou ne pas comprendre, mais tout est simplement abordé et de façon exhaustive. Ce documentaire remarquable met également en avant des scandales terribles, tel le traité qui dépossède les natifs de leurs terres pour quelques dollars canadiens ou le pensionnat autochtone qui essaie de laver les esprits des jeunes indiens de façon terrifiante. Malgré tout, le propos n'est pas manichéen. Joe Sacco décrit aussi les travers et les exactions des Denes. Evidemment, l'étude d'un peuple aussi sauvage permet de réfléchir sur l'évolution de l'homme et sur son lien à la nature. La forme n'est pas ennuyeuse malgré la tonne de textes et d'informations pointues. La grande Histoire côtoie celle des gens de tous les jours et les différents témoignages et dialogues rompent la monotonie du propos. Cette étude est aussi particulièrement efficace grâce aux dessins superbes de Sacco. Essayant de décloisonner les cases et d'apporter du dynamisme au graphisme, il insuffle de la vie à chaque personnage et à chacun des chapitres. À l'image de chaque encadré narratif qui change de forme, le dessin est à la fois beau, détaillé et novateur. Un travail impressionnant et instructif.
