L'histoire :
Hanna et Johnny vivent ensemble dans une caravane, au milieu des bois. En attendant mieux, Johnny, sans emploi, cultive des graines diverses et variées. Il doit en effet se décider à construire une petite maison. Hanna intervient quant à elle auprès d’une dame âgée. Tous deux s'aiment fortement, même si le monde urbain qui les entoure ne les satisfait pas pleinement. Hannah fait d'ailleurs partie d'un collectif d'activistes se réunissant et manifestant régulièrement contre le pouvoir anti démocratique en place, selon eux. Une drôle de relation unit d’ailleurs Hannah et la meneuse Gabby, plus extrémiste. Comment envisager cependant l'avenir sereinement dans un état qui restreint les droits jour après jour ? C'est dans ce contexte tendu que leur désir d'avoir un enfant exaspère les tensions...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eleanor Davis, née en 1983, est une authentique défenseuse des droits civiques. Elle fait d'ailleurs partie du mouvement « Occupy », contre les inégalités économiques et sociales. Diplômée du Savannah college of art and design, elle a été récompensée de l'Ignatz du meilleur roman graphique en 2018 pour Why Art, un essai mêlant analyse et fantaisie (importé par chez nous par Atrabile). Dans ce qui peut être considéré comme son premier long travail, elle donne à voir une bonne partie de sa propre vie, mais montre en même temps toute l'étendue de son talent. Scénariste et dessinatrice, elle use d'un encrage fin, légèrement tremblant, rehaussé d'aplats noirs particulièrement équilibrés, pour délivrer un récit réaliste empreint d'humanisme et d'émotion. Un style graphique alternatif, que l'on pourrait rapprocher d'autres artistes tels Jordan Crane ou Bastien Vives, par exemple. Le sexe y tient une place de choix, mais toujours dans un cadre intime et naturel, jamais gratuit. Cela ne l'empêche pas de revendiquer et de montrer une autre Amérique. État policier, anti manifs, répression et pressions sur les personnes, rien n'est trop dur pour casser un mouvement en grande partie féminin, d'ailleurs. Les menaces d'expulsion révèlent aussi la thématique de la diversité aux États unis, et de l'engagement, pas si souvent abordé de manière réaliste dans une BD américaine – hors underground ou super héros. Le poids des armes clandestines, la surveillance à grande échelle sont aussi un autre thème fort, amenés par le biais du copain « milicien » paranoïaque de Johnny. Un monde terrible et beau porte superbement son nom, Eleanor Davis ayant réussi le pari de nous embarquer avec elle dans un savant mélange de poésie engagée et de maîtrise graphique. Superbe découverte.