L'histoire :
Manhattan, septembre 1853. Depuis son estrade montée dans un entrepôt, le chef syndical William McGovern harangue un auditoire prolétaire a priori rangé à sa cause. Leur lutte anticapitaliste doit passer par une nouvelle grève. Or il n’a pas le temps de finir son discours qu’un olibrius coiffé d’un chapeau haut-de-forme s’invite sur le podium. A la solde du grand (et gros) patron Roderick Pastor, Markus Welsh est surnommé le « Bowery boy ». Il dirige avec panache et cynisme une bande de costauds qui aiment la baston et s’emploient à faire mourir les grèves dans l’œuf. La force brutale au service de manœuvres subtiles. Cependant, la grève en cours semble bien devoir perdurer, ce qui agace prodigieusement Pastor. Welsh a cependant une idée machiavélique derrière la tête. Le lendemain, alors que Pastor et sa femme sortent d’une soirée de gala à l’opéra, un individu fait feu sur la foule. Profitant du chaos qui s’est emparé de la place, deux tueurs s’approche de la femme de Pastor et la poignardent mortellement de plusieurs coups de couteau, au nom de la « classe ouvrière ». Le forfait est donc clairement revendiqué. Elle meurt dans les bras de son obèse mari. Aussitôt, ce dernier met la tête de McGovern à prix. Le leader sera arrêté chez lui, au terme d’un combat d’une rare violence, par une poignée d’hommes costauds coiffés de hauts-de-forme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ces Bowery Boys sont clairement aux comics ce que Gangs of New York (de Martin Scorsese) est au cinéma. L’épais one-shot importé par Glénat de chez Dark Horses (USA) s’inspire en effet des guerres de clans, tant politiques qu’économiques, qui ont secoué la métropole américaines aux premières heures de son explosion urbaine. D’un côté les syndicalistes irlandais, de l’autre des cogneurs à la solde du Grand Capital, mais surtout cogneurs indépendants et indomptables, aux accoutrements baroques et à la scénographie délirante. Sans oublier la communauté juive – le tissu social de Manhattan est composite. Tout cela aurait pu faire sens si le scénariste Cory Levine avait cherché à faire vraiment œuvre historique ou du moins à accorder une note politique aux ambitions des factions en place. Mais au cours des cinq chapitres, soit autant que de fascicules initiaux prévus, tous les acteurs de ce psychodrame urbain se cantonnent à de petites conspirations, grosses vengeances et autres raids gratuits, en marge de nombreux palabres qui ont tendance à lasser. Prévoyez un budget temps suffisant, le pavé compte plus de 200 pages. Sous les crayons de Ian Bertram, puis de Brent McKnee pour le dernier chapitre, le dessin est cependant globalement dynamique et soigné, alliant une mise en scène cinématographique à un chara-design ultra-caricatural (les colosses sont disproportionnés à dessein ; le patron est obèse à outrance). Les scènes de baston ne font pas dans la demi-mesure, avec une complaisance étrange pour la sanguinolence ; après des coups d’une violence disproportionnée, les coquards ressemblent à des tranches de rumsteck. Les amateurs de baston apprécieront.