L'histoire :
Un beau matin, à la ferme des Ripermton, une bande de souris est en train de se délecter d'un gruyère suisse, dont les trous s'avèrent aussi succulents que le fromage qui les entoure. Et voilà que les biscuits sont l'agrément idéal. Mais d'un coup, un rouleau à pâtisserie s'abat sur le trésor culinaire, provoquant la panique chez les petits rongeurs. Ceux-ci décident d'ourdir un plan pour ne plus souffrir des persécutions de la vieille dame. Deux jours plus tard, une étrange créature apparaît dans le garde-manger, assénant un coup d'attendrisseur de viande sur le pied de la patronne, que la petite Becky est venue secourir. C'est alors qu'on sonne à la porte. C'est Eugène, un voisin qui est venu lire ses poèmes à Becky. Le problème, c'est que la môme en a ras le bol de la prose lourdingue de son voisin. Mais elle fait contre mauvaise fortune bon cœur et se colle au fond d'un fauteuil pendant que l'autre déclame inlassablement sa prose indisgeste. Seulement ça ne dure qu'un temps et quand Becky n'a plus de noisettes à se mettre sous la dent, elle éclate dans une grosse colère pour expliquer à Eugène qu'elle n'en a cure, de sa poésie de pacotille ! Les deux gosses se disputent comme un vieux couple, alors que la vielle dame revient avec un chat...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne va pas tergiverser en vous présentant ce livre : Huber Éditions est allé dénicher une vraie pépite des comics indépendants, puisque cette série a été primée en 2017 aux Eisner Awards, dans la catégorie «meilleur auteur humoristique». Tony Millionaire est un cartooniste américain qui a roulé sa bosse, loin, très loin des standards grand public du média. La plupart de ses œuvres s'inscrivent dans des formats courts, quand ce ne sont pas des strips, même si ce volume déroge à la règle, avec ces deux grands chapitres. Avec un parti pris artistique fort, c'est une oeuvre absolument remarquable qu'il a signé avec ce Billy Noisettes (Billy Hazelnuts). Une prise en main rapide permettra au lecteur de mesurer, en un simple coup d'oeil, l'originalité de la proposition visuelle. Un trait souple et à la fois un brin rude, un noir et blanc qui laisse une vraie place à des décors, qui évoque les gravures et le style désuet des dessins d'avant-guerre : on sait d'emblée que l'auteur produit ce qui ne se produit plus dans l'industrie des comics. C'est à la fois vif et précis et l’exploit réside dans cette dose immense de poésie qu'il introduit, tant dans ses dessins que dans la narration. Alors, c'est qui, ce Billy Noisettes ? C'est un monstre que des petites souris ont créé, avec des détritus. Sa raison d'être lui confère une forme d’agressivité permanente mais à l'instar d'un Frankenstein, il est une créature hideuse mais malgré tout attachante. Ses origines le rattachent aussi à la légende du Golem, puisqu'il est censé défendre ses créateurs et, tout comme le monstre de la culture juive, il est aussi inachevé. Alors ses frasques vont l'emmener dans des contrées souvent étranges et il emporte avec lui le lecteur dans un imaginaire qui fait penser à celui de Melies, avec des références explicites à Moby Dick et au célèbre bateau fantôme, le Hollandais Volant, pour ne citer qu'eux, car les références à la littérature se glissent en nombre. Ce Billy Noisettes est aussi charmant qu'effrayant, ce qui renvoie aussi aux émotions provoquées par les récits d'antan pour enfants : on s'évade, on tremble, on est même confronté à la violence, on s'étonne face à l'étrange et tout cela n'est jamais que le reflet de notre humanité puisque Billy est capable du pire, mais aussi du meilleur ! Voilà, on va pas vous briser les noisettes plus longtemps, rendez-vous chez votre libraire et embarquez (dans) ce livre ou commandez-le !